Dans sa jeunesse, membre fondateur du collectif Kourtrajmé avec son pote Kim Chapiron, Romain, fils de Gavras, toujours difficile d'être dans l'ombre d'un père, nous revient sur grand écran, "enfin" j'ai envie de dire, huit ans après son premier long métrage.
Durant toutes ces années il ne s'est pas tourné les pouces, au contraire, il s'est avéré très prolifique au niveau des vidéosclips, chose qu'il connait bien puisque habitué des formats courts depuis le collectif cité plus haut. Il était cependant temps qu'il revienne sur le grand écran, pour se faire il passe même par la quinzaine des réals au festival de Cannes, rien que ça.
Huit ans, c'est long, et pourtant je reste marqué par son premier film, cette plongée aux enfers qu'est Notre jour viendra. Film porté par un superbe duo composé de Vincent Cassel et Oliver Barthélemy, deux potes datant déjà du Kourtrajmé, également acteurs principaux de Sheitan, premier film de Chapiron, comme quoi, quand les potes sont là...
Le Monde est à toi ne déroge pas à cette sensation, on a tout du long cette impression que des potes se sont réunis pour monter un petit film de gangsta amateur, il y a cette énergie, cette fraîcheur rare. Pourtant loin de là, car au-delà de la coolitude du film, c'est un gros travail de mise en scène et ça se voit, rien que dans l’esthétisme du film qui se veut léché et classieux. Comment rendre le quotidien des petites gens rayonnant en somme.
Romain qui je l'espère reviendra derrière la caméra plus rapidement la prochaine fois nous concocte ici une comédie faussement bling bling sur du petit malfrat, le petit monde qui ne demande qu'une maison avec piscine.
Ainsi le titre prend admirablement sa place tant il est métaphorique, on y retrouve également une formule que je trouve proche de Notre jour viendra, sauf qu'ici il est enfin arrivé, il est à toi !
Un anti-Scarface qui trouve son rythme grâce à un montage efficace, on sent clairement le faiseur de clips qui en profite même pour glisser quelques séquences clipesques justement. Grace également à une bande son éclectique qui ambiance à merveille le métrage et aide à le rendre cool.
La photo léchée, le cadre toujours prêt à te lâcher un plan qui en jette tout en dans la seconde qui suit te plonger au cœur d'une scène mouvementée filmée à l'épaule. Indéniablement un film de jeune, ça se ressent, mais un film de jeune qui démontre une maturité certaine.
Si je n'ai pas trouvé autant de folie que j'en espérais après avoir revu la bande annonce je ne sais combien de fois, Le Monde est à toi nous propose tout de même un pur moment de détente, orchestrée avec brio.
Une scène, si, se rapproche de ce que je pouvais attendre, cette du bateau où Cassel perd la tête à cause des fameux Illuminatis, bordel que le Vince m'a foutu les poils.
Car niveau casting on est bien, on est plus que bien. Si Karim Leklou prend superbement et naturellement la tête du film, celui qui en jette, peut être malgré lui, c'est Cassel. Si dans le récent Fleuve Noir il avait tendance à trop en faire, ici il s'avère magique, d'une honnêteté et d'un beauf admirable. On ressent avec émotion son passé carcéral et sa déconnexion du monde actuel, puis si on ajoute à ça le trip magistralement géré des Illuminatis, d'ailleurs je soupçonne le film d'être blindé de triangles cachés, rien que l'affiche nous en montre un, c'est du jouissif.
Isabelle Adjani encore sous blister visiblement, sans être bluffante, elle ne l'a d'ailleurs jamais été à mes yeux, trouve pourtant bien sa place dans ce rôle fait pour elle.
Oulaya Amamra fait plus que le taf après sa découverte dans Divines.
Quant au reste du groupe, c'est de l'excellent niveau, que ça soit Mounir Amamra, Mahamadou Saengare, Sam Spruell, la jeune Gabby Rose ou encore un François Damiens aussi romantique que pourri, un véritable coup de cœur pour Gavras d'ailleurs de ce qu'il dit. Je reste un peu moins fan de Philippe Katerine ici, mais il passe sans mal.
Mention spéciale à Poutine alias Sofian Khammes, délirant à souhait.
En bref, Romain Gavras nous régal d'une comédie humaine où les sentiments sont palpables et où les petites gens rayonnent.
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