Jacob est le meilleur marin du navire l’Inévitable. Lui et l’équipage font partie des chasseurs, ceux qui traquent les monstres marins pour éviter qu’ils ne ravagent les côtes comme ils l’ont fait des siècles plus tôt. Le capitaine de Jacob chasse le plus terrible d’entre eux, la Tourmente rouge, un colosse qui a détruit de nombreux navires et qui lui a pris un œil. Mais Maisie, une gamine, s’invite sur l’Inévitable et ne quitte plus Jacob, car, comme c’est écrit dans les romans qu’elle dévore, c’est un héros. Un héros, vraiment ? Ce n’est pas sûr. Et les monstres, alors, sont-ils aussi terribles que le décrivent ces histoires ?
Chris Williams a réalisé Les nouveaux héros ainsi que Vaiana. Il a également une solide carrière de scénariste, avec notamment Mulan et Vaiana. Fort de ses succès, Chris Williams a donc écrit et réalisé Le monstre des mers. Et démontre une nouvelle fois son talent.
Tout d’abord, la justesse du monde est remarquable. Vêtements, équipements, comportements, discours, coiffures et même expressions de visages correspondent au XVIIIème siècle. Des pubs anglais aux bateaux pirates (sur lesquels les chasseurs sont clairement calqués) en passant par l’orphelinat, chaque détail est soigneusement spécifié. Le monde est cohérent, à défaut d’être réaliste. Oui, car les monstres (vraiment titanesques) et les prouesses des héros sortent quand même d’un dessin animé.
Les images sont travaillées et offrent des compositions de pure beauté, notamment sur l’océan, sur la plage ou encore face au stupéfiant palais royal. L’animation est impeccable, avec peut-être un peu trop de mouvements aériens (la gravité est très clémente). Mais, là encore, c’est un film pour la jeunesse et non un documentaire donc ça passe.
Pour le scénario, en revanche, Chris Williams s’est (très) fortement inspiré de How to train your dragon. L’histoire est très similaire
Un méchant manipule les monstres (ou les humains) pour se goinfrer, et un gars (ou une gamine) curieux découvre la supercherie en apprivoisant un dragon (ou un monstre).
jusqu’au design de la Tourmente qui est une sorte de Croquemou géant, sans aile et rouge. Ça, en revanche, ça s’approche dangereusement du plagiat tellement les ressemblances sont frappantes. C’est d’ailleurs dommage, car plein de designs auraient pu donner des créatures effrayantes, mais finalement sympathiques. Bien que très simple, le film se suit tout de même avec plaisir pour peu qu’on garde à l’esprit qu’il est destiné à la jeunesse.
En revanche, là où cette œuvre prend une dimension stupéfiante, c’est sur son message. En effet, la petite Maisie explique au spectateur qu’il ne faut pas toujours croire l’histoire officielle, et que parfois les mensonges qui y sont véhiculés peuvent être très, très gros. Cette gamine, personnification de la lucidité et de l’esprit critique, met en garde contre le prêt-à-penser rabâché par les fournisseurs officiels d’informations. C’est d’autant mieux expliqué que la profusion de livres forme une propagande très actuelle. En effet, ce film très récent (2022) prend un sens particulièrement puissant après les années covid et, plus généralement, pousse le spectateur vers le dangereux chemin du scepticisme suivi par des millions de complotistes. Le réalisateur a même l’audace de montrer que dès que la population doute, elle allume le cerveau et réagit en suivant son bon sens plutôt que la propagande. Ce comportement est spectaculairement actuel au regard du nombre toujours croissant de sceptiques, quelle que soit l’armée de fact checkers qu’on leur met en face.
Le monstre des mers est une jolie histoire marine avec des monstres pas trop effrayants pour les enfants. Le film enseigne par ailleurs à réfléchir par soi-même et à utiliser son bon sens, message complètement inverse de la soupe habituelle servie par les studios du genre de Netflix. Peut-être cherchent-ils à se racheter une virginité ? En tout cas, rien que pour ça, cette œuvre ne doit pas être ratée.