Pourtant l'un des plus grands réalisateurs de télévision, Marcel Bluwal n'eut guère l'occasion de faire ses preuves au cinéma.
On peut le regretter, car sa première tentative sur grand écran apparaissait prometteuse : entre film noir et polar manipulateur, "Le monte-charge" est une réussite, modeste mais incontestable.
La principale qualité du film réside dans son atmosphère anxiogène, particulièrement soignée : le récit se déroule le temps d'une longue nuit de Noël, et la solitude des protagonistes ressort d'autant plus au milieu des célébrations populaires.
Pourtant, cette foule festive n'affiche pas un visage très souriant : certains se plaignent, d'autres se tapent dessus dans un bistrot, on assiste à une intervention des pompiers... Comme si quelque chose ne tournait pas rond. Même la messe de minuit semble plutôt triste et oppressante.
J'ai particulièrement apprécié ce climat atypique mis en place par Bluwal, qui pose son décor dans une petite ville de banlieue en bord de Seine (Courbevoie, peu avant les grands travaux qui verront s'ériger le quartier de la Défense).
Les personnages traverseront ainsi plusieurs fois le pont d'Asnières, dans le silence inquiétant de ces rues froides et désertes. Le contraste fonctionne bien entre le centre ville bondé, ses restaurants et ses bistrots à l'ambiance surchauffée, et les abords de l'imprimerie au silence glacial.
Je préfère en dire le moins possible sur le scénario, adapté d'un roman de Frédéric Dard, mais on se doute assez vite qu'une forme de machination est en œuvre (pour ma part j'avais rapidement deviné l'astuce centrale, mais des zones d'ombres subsistent jusqu'au bout);
L'intrigue a le mérite d'être très épurée, dénuée de toute disgression inutile et de tout dialogue superflu, favorisant l'efficacité d'un récit qui ne dépasse guère 1H20.
Dans cette histoire centrée sur un nombre très faible de personnages, Bluwal choisit pour héros deux archétypes du film noir : l'homme solitaire qui sort de prison, et la femme charmeuse et mystérieuse.
Dommage simplement que les deux interprètes se montrent moyennement convaincants : sans forcément démériter, Robert Hossein n'apparaît pas toujours juste, tandis que Léa Massari, handicapée par un lourd accent, évoque parfois plus une prostituée qu'une grande bourgeoise, avec sa coiffure négligée et son manteau léopard.