Si certains sur ce site ont décrit le récent Détroit comme un film d'hyper-visibilité, on pourrait dire que Le Musée des merveilles est quant à lui un film hyper-explicatif. Cette tendance de sur-expliquer tous les événements d'un film en leur trouvant une logique "rationnelle" dans le récit n'est pas nouvelle, mais est ici exacerbée.
Commençons par le commencement. Les 30 premières minutes du Musée des merveilles peuvent, à mon sens, être considérées comme le début d'un film expérimental. Le montage s'efforce de relier, comme d'autres films l'ont fait avant lui (Cloud Atlas, The Fountain etc.), plusieurs époques. En l’occurrence, c'est ici les années 20 et les années 70 qui sont traitées, chacune de ces périodes me semblant davantage fantasmées que reconstituées de manière documentée et réaliste (ce n'est pas un reproche, ce parti-pris étant en cohérence avec le discours du film, revendiquant l'outil de fantasme qu'est le cinéma). Ce qui différencie le film des autres, c'est qu'il est rempli de trouvailles de liaisons qui crée une sorte de bloc entre les temporalités, malgré les différences de traitement esthétiques dont elles jouissent (l'une est en noir et blanc très contrasté, l'autre en couleurs vives). Ces traitements esthétiques sont d'ailleurs l'occasion pour Todd Haynes de faire une mini-histoire du cinéma, autant par les éléments de reconstitution disséminés (par exemple le cinéma qui annonce les films parlants) que par des éléments figuratifs (l'ombre de la main qui fait écho à l'expressionnisme allemand).
Pendant cette partie, le spectateur est clairement largué sans explications à l'intérieur de ce tourbillon formaliste absolument fascinant. S'y révèle alors un discours sur ce qui nous lie à travers les époques : le savoir, et l'art, en particulier le cinéma. Ainsi, Todd Haynes appuie le fait que si New-York et sa population ont totalement changé au cours des 50 années séparant les deux temporalités, ce musée et le savoir qu'il renferme se dressent tels quels, comme immortels.
Puis le film commence à s'enfoncer dans ses défauts. Le récit, qui jusqu'à alors semblait uniquement vecteur d'une vision métaphysique du réalisateur, commence à devenir comme tout récit : explicatif. Dès lors, la mise en scène reliant les deux époques tient davantage de la routine fatigante que de l'expérimentation. Et puis arrive la scène finale, qui répond à toutes les questions que pouvait se poser le spectateur. Quel est le lien entre les deux personnages principaux ? Pourquoi ces scènes cauchemardesques et cette peur des loups pour le petit garçon ? Qui est vraiment son père ?
Tout trouve son explication dans cette dernière partie, et toute imagination du spectateur, toute interprétation ouverte se voit sévèrement abattu par un dialogue surexplicatif qui n'a selon moi aucun autre intérêt que de rendre le film simpliste. On tombe alors dans un mélodrame qui ne développe rien d'original ni de touchant, malgré les tentatives ravivées de l’intégrer dans un délire formaliste. Ce cinéma, qui n'ose pas être dans le non-dit, qui n'ose pas laisser des zones d'ombre, qui se sent obliger de donner de l'explication sur un plateau au spectateur, c'est un peu tout ce que je n'aime pas. Le pire, c'est que certains choix de mise en scène sont carrément expliqués par ce dialogue final (pourquoi ces plans en longue focale quand le petit garçon est avec sa grand-mère ? Parce que quelqu'un les observe), ce qui me semble être le comble de l'absurdité.
Mon avis est donc très subjectif, mais il me semble que le cinéma ne peut pas innover pleinement et proposer une vraie expérience s'il s’embarrasse de tout expliquer par son récit. Je me réconforterai en repensant à la première partie du film, qui se suffit largement à elle-même...