Presque à chaque fois, lorsqu'un film de l'ère primitive me botte, je me prends à me dire qu'un remake pourrait faire un film extraordinaire. Et puis, dans la foulée, je me rends compte à quel point ce souhait est au fond ridicule. Tout ce qui me plait si instinctivement serait irrémédiablement éradiqué par les dérives du temps.
Et pourquoi l'idée même d'un remake, d'abord ? Pour un truc simple, sans doute: que le plus grand nombre puisse apprécier un petit bijou que leur interdisent les préjugés liés aux spécifications d'une l'époque: du noir et blanc, muet, et un sujet rocambolesque.


Avec cette idée saugrenue qu'aujourd'hui avec les moyens techniques, rien n'est impossible, on ne se rend pas compte à quel point cela peut être tout l'inverse. Presque tout ce qui constitue le cœur de ce mystère de la tour Eiffel ne pourrait plus être mis en scène aujourd'hui.


Bien entendu, je pense d'abord à ces scènes stupéfiantes d'acrobaties sur la tour elle-même. La chose est faite sans sécurité d'aucune sorte et ne pourrait jamais plus, aujourd'hui, provoquer de tels frissons chez le spectateur, tant les filtres les protections sont devenues obligatoires (ce que je ne pourrais évidemment pas regretter pour les gens qui apparaissent à l'écran, entendons-nous bien).


Julien au pays des rivets


Mais a travers cet épisode, c'est tout l'esprit du film qui transpire. Un mélange jubilatoire d'aventure et de bonne humeur, une innocence de pionnier risque-tout chez qui, précisément, tout passe.


Qu'une association des Compagnons de l'Antenne (rebaptisée Klu Klux Eiffel dans la version néerlandaise sur laquelle je suis arrivé à mettre l’œil) tente d'empêcher un ex-forain de toucher son héritage devient alors le contraire d'une gêne, mais au contraire un petit bonheur de deux heures, pendant lesquelles l'ensemble des péripéties brillamment mises en scène par un Julien Duvivier tout sauf débutant (il tourne depuis 1919) s'enchainent avec délectation.
On ne peut s'empêcher de se dire que le jeune Hergé (20 ans à l'époque de la sortie de ce mystère), entre autres jeunes gens plein d'avenir et de talent, a sans doute dû voir le film.
Et c'est sans doute en découvrant une nouvelle facette de cet immense réalisateur que l'on mesure l'épaisseur du génie du bonhomme, dont il convient sans cesse de revisiter l’œuvre.

guyness

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