La série de romans de Paul Guth concernant le Naïf raconte ses souvenirs de son enfance très modeste dans une famille heureuse dans le sud-ouest jusqu'à son premier poste d'enseignement puis ultérieurement sa vie de jeune adulte.
Un mot sur le réalisateur Pierre Agostini qui a été directeur de photographie et scénariste avant de passer à la réalisation. Il a notamment réalisé "le dialogue des Carmélites" avec Madeleine Renaud, Jeanne Moreau et Pierre Brasseur. Il me semble très peu connu aujourd'hui mais son background depuis les années 30 plaide plutôt en sa faveur.
Le scénario du film "le Naïf aux 40 enfants" est basé sur le roman éponyme et évoque sa première année d'enseignement à une classe de troisième où le courant passe très bien avec ses élèves qui l'adorent et nettement moins bien avec la direction de l'établissement et certains parents d'élèves.
"Le naïf aux 40 enfants" est un film qui sonne étrangement juste aujourd'hui. Et pourtant il date de 1957 (le roman date, lui, de 1955). Et à cette époque déjà, les parents d'élèves sévissaient ; ici, par la voix d'un mielleux et faux-jeton Jean Poiret, président de l'APE (inutile de décrypter le sigle...).
Le professeur, jeune agrégé de lettres, qui ne connait de la vie que ce qu'il a pu trouver dans les livres, c'est Michel Serrault qui avait déjà sévi comme prof dans les "Diaboliques" en 1954.
Ici il est tout feu tout flamme et fait découvrir Villon, Molière et Racine à ses élèves de troisième, subjugués. Mais ce n'est pas l'enseignement compassé avec lui, il ose impliquer ses élèves, leur fait vivre "le malade imaginaire" in vivo, traduit en langage moderne, l'argot de Villon. Au grand dam de la direction du lycée qui goûte peu l'innovation de peur des problèmes avec les parents d'élèves.
Et quand c'est Phèdre qui est abordé, alors là, big scandale chez les parents d'élèves sur les amours illicites et contre nature de la vieille Phèdre avec le jeune Hyppolite (y pensez-vous, Monsieur). Une pétition est lancée auprès de l'Inspecteur qui rapplique et qui assiste et interroge les élèves au point qu'il est émerveillé de la profondeur de la connaissance des élèves sur la pièce de théâtre.
La pétition est un flop !
Il y a une bonne part d'émotion dans le film dans ses relations avec les pré-ado de 3ème mais aussi dans l'impasse où sa naïveté l'amène dans une idylle quasi platonique avec une mère d'élève (mariée avec un mari souvent absent) un peu extravertie. Mais sa délicatesse et son bon sens saura lui faire redresser la barre et en tirer les leçons.
Naïf mais intelligent
Le film a été remarquablement remastérisé (image et son) ; c'eût été un comble pour Agostini !
Quelques petites trouvailles au niveau de la mise en scène (scène de l'échelle, par exemple mais aussi lors de la visite du théâtre romain)
C'est un film qui mérite d'être redécouvert.