La notation de ce film fut un véritable dilemme. En effet, j'ai trouvé l'histoire assez plate, et à mon sens, la plupart des personnages manquent cruellement d'épaisseur. Les nonnes se ressemblent toutes, l'Anglais en short semble sorti de Robin des Bois, le vieux sage sur la montagne ne pipe pas un mot, et je me demande encore pourquoi l'aimable général local a voulu retourner à l'école alors qu'il avait tout l'or du monde. Tout au long du visionnage, je me suis demandé ce que j'étais en train de regarder, et au final, le destin de ces religieuses sexuellement tourmentées m'a laissé plutôt indifférent.
S'il pêche sur le plan narratif, "le Narcisse Noir" reste toutefois un très bel exercice de style. Avec ses fresques murales et ses incessants courants d'air, ce harem perché sur une falaise indienne possède une ambiance absolument unique en son genre. Durant une bonne centaine de minutes, Michael Powell et Emeric Pressburger vous emmènent dans une province de l'Himalaya coupée du monde et du temps, et s'ils n'ont pas forcément grand-chose de passionnant à raconter, les deux réalisateurs méritent d'être salués pour leur reconstitution minutieuse de l'Inde sous occupation britannique. Le Technicolor aux couleurs éclatantes est à tomber à la renverse, et la musique grandiloquente de l'orchestre symphonique de Londres apporte une touche épique à des scènes qui seraient sans cela restées bien fades.
Jean Simmons, dans un rôle quasi muet, est d'une sensualité inouïe, et sa danse du ventre lascive émoustillera le plus basé des spectateurs. Mais ce que je retiendrai surtout de ce film, c'est son final quasi hitchcockien, et le regard TERRIFIANT de Kathleen Byron dans l'une des toutes dernières scènes. Quand ses yeux bordés de noir sont brusquement apparus à l'écran, l'espace d'un instant, je me suis cru dans un film d'horreur d'Hideo Nakata (Ring, Dark Water), et rien que d'y repenser, j'en ai des frissons...