Adaptation inspirée du monument de la littérature d'Umberto Eco, ce film éponyme de Jean-Jacques Annaud surprend à bien des égards. Tel un Sherlock Holmes encapuchonné accompagné d'un Docteur Watson en proie aux passions de la chair, Guillaume de Baskerville enquête au sein d'une abbaye fantastique à propos du décès brutal d'un frère. D'autres meurtres ne vont pourtant pas tarder à suivre...
C'est donc sur un fond d'enquête policière moyenâgeuse à l'ambiance très british que le réalisateur nous délivre une charge sans retenue à l'encontre de l'Église, l'Inquisition mais aussi les Humanistes. Tout le monde en prend pour son grade. L'Église est décrite comme une institution pour vieillards séniles, cupides, faibles et hypocrites. C'est d'ailleurs son manque de discernement qui la conduit à faire appel à l'Inquisition, juridiction dont la cruauté, l'obscurantisme et le fanatisme sont démontrés sans concession. Plus intéressant encore, le personnage de Guillaume de Baskerville, incarnation de la pensée humaniste, inspirée des philosophes grec, s'il apparaît plus réfléchi dans ses actes, n'est pas pour autant exempt de tous reproches puisque sa quête folle du savoir le conduit à condamner deux frères qu'il sait pourtant innocents.
L'intérêt principal du récit ne réside toutefois pas dans l'enquête à la Conan Doyle qui nous est présentée mais davantage dans la réflexion sur le rire et la dimension comique du film. Sean Connery réussit à réciter avec un détachement incroyable des répliques formidables et la réaction du premier condamné au bûcher alors que la paille commence à peine à se consumer arrache un sourire au spectateur alors que la scène revêt pourtant un caractère dramatique.
L'aspect fantastique du récit, que l'on retrouve notamment lors des scènes au sein de la tour dans laquelle est situé le labyrinthe, est assez agréable mais n'apporte quand même pas grand chose à l'ensemble de l'œuvre. Tout au plus, certaines scènes jouant de l'architecture intérieure nous rappellent combien la mise en scène est soignée.
Bien évidemment, la scène la plus marquante intervient au moment où on l'attend le moins (on vient même presque à se demander pourquoi elle intervient si tôt dans le récit) et si le moine victime de cette agression caractérisée n'est peut-être pas aussi laid que Guillaume de Baskerville le prétend, sa maladresse juvénile à la vue de cette créature reste un moment inoubliable pour le spectateur.
Le film de Jean-Jacques Annaud n'est peut-être pas au cinéma ce que le roman d'Umberto Eco est à la littérature mais celui-ci constitue tout de même un excellent divertissement assez intelligent, et c'est déjà bien suffisant.