"Polar gothique" ont louangé les critiques parisiens, avec leur manie outrancière de classer les films. Soit. D'ailleurs, pour son 4e film, Annaud lui-même, à cette formule, a plus ou moins... donné foi ! Péripéties d'une enquête au sens policier du terme, mais menée par un père franciscain au sein d'une abbaye de Bénédictins en 1327 !
Va pour "polar gothique"...
Présenté ainsi, le sujet peut donner envie de renier sa cinéphilie ! En fait, ce film est passionnant et impressionnant du début à la fin. Avec ce mélange d'audace et d'enthousiasme qui ont fait son style, le plus aventurier ("La guerre du feu", "L'Ours", deux films... anti-films) des cinéastes français a tenté un nouveau pari en adaptant le célèbre roman d'Umberto Ecco. Mais quel résultat : une oeuvre magistrale, mêlant esthétisme et réalisme pour mieux éclairer cette sombre époque moyenâgeuse où l'Eglise vacille sur ses bases. Dilemme symbolisé par le face-à-face entre le "flic" Franciscain Guillaume de Baskerville et le tout-puissant Inquisiteur Bernardo Gui. Respectivement Sean Connery et F. Murray Abraham (Salieri dans "Amadeus"). Rivaux de longue date, ils vont chercher à enrayer la série de crimes ensanglantant l'abbaye en nid d'aigle. Le "bon", avec son jeune assistant Adso (narrateur), fait travailler son brillant esprit de déduction. Le "méchant" fait dresser des bûchers pour un trio de suppôts - suppôts, mon cul ! 2 moines déviationnistes à point nommé et une jeune sauvageonne qui n'a justement que le tort d'être femme ! - de Satan après aveux sous la torture. Et la communauté monacale défend mordicus et "morticus" le secret de la bibliothèque-labyrinthe où se trouve la clé de l'énigme. C'est "La loi du silence" autour de textes anciens, imposée par la hiérarchie écclésiastique misant alors sur l'obscurantisme massif pour mieux asseoir son pouvoir autant matériel que spirituel !
Ce film a de quoi déranger. Qu'Annaud en soit béni ! Mais il doit aussi s'apprécier comme une oeuvre fastueuse en terme d'évocation historique (décors naturels ou de studios, costumes, éclairages...). Au milieu de faciès de moines dignes d'un musée des horreurs, le visage de Sean Connery traduit bien la noblesse de vue et les flegmatiques déductions de son personnage. Son jeu transparent, mais aussi celui tout en faux-jetonnerie mielleuse de Michaël Lonsdale, sont à saluer pieusement !
En vérité, il faut le proclamer : dès sa sortie, "Le nom de la Rose" a fleuré bon le film culte ! Amen !