Pour son premier film, Nikita Mikhalkov (le réalisateur de Soleil trompeur, Urga et Quelques jours de la vie d'Oblomov) décoche une flèche aussi tonitruante qu'étrange dans la toile du cinéma soviétique en réalisant un western de l'est doté d'un sens baroque aigu. Il exige un certain temps d'adaptation pour s'immerger, et a posteriori un autre temps pour bien assimiler tout ce qui s'est passé durant les cent minutes écoulées. Le Nôtre parmi les autres est un de ces films russes abordant la Révolution d'Octobre à travers le spectre du prolongement en guerre civile au début des années 20, et en l'occurrence au lendemain de la victoire des bolchéviques. C'est en ce sens une œuvre que l'on peut instinctivement rapprocher du magnifique Rouges et Blancs de Miklós Jancsó qui abordait la guerre sous un angle hongrois.
Mikhalkov produit un récit extrêmement bigarré, versatile, et parfois confus dans la fracturation de sa linéarité. Les ruptures sont nombreuses, beaucoup d'émotions s'entrechoquent, beaucoup de registres cohabitent. Il y a du western spaghetti là-dedans, activé par une bonne grosse dose de nostalgie soviétique, très typique, dès l'introduction qui présente en sépia ou noir & blanc l'amitié de quelques personnages, dans une séquence très kitsch, présente uniquement pour illustrer par la suite à quel point elle volera aux éclats.
L'histoire est celle de cinq camarades soviétiques, des anciens de l'armée rouge, en charge de la protection d'un butin d'or destiné à acheter des céréales pour nourrir un pays en famine. L'or est acheminé jusqu'à Moscou en train, mais une série d'attaques et de vol de voleurs aura tôt fait de l'en empêcher. Au milieu des chevaux, des bandits, des pistolets, des attaques de train et de trésor, il y a donc une trame liée à la trahison, à la convoitise et à l'infiltration vraiment très surprenante. C'est un film qui prend le soin de ne pas brosser le manichéisme soviétique dans le sens du poil, il n'y a pas vraiment le camp des méchants monarchistes opposés aux gentils communistes : c'est avant tout une histoire d'amitié perdue, brisée par l'idéologie. On note la présence d'Alexandre Kaïdanovski (le Stalker), et une mise en scène globalement chaotique qui rend la progression pas toujours très intelligible. Mais une bizarrerie qui vaut le coup d'œil, assurément.
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