Malick sait qu'il est impossible de traduire par des mots le sentiment amoureux, car lui-même ne peut y parvenir. Ses personnages tentent eux-mêmes d'exprimer par des mots leurs sentiments réciproques, comme tout être humain ayant déjà connu ou approché cet indéfinissable sentiment s'interrogerait sur la nature et les racines situées à la base de cette passion, sentiment magique et prodigieusement envoûtant qu'est un amour dévorant. Or, au sein du film, justement, on voit les protagonistes tâtonner, chercher de tout codeur à traduire en mots leurs émotions. Mais eux-mêmes ne peuvent évidemment pas exprimer verbalement leurs ressentiments et laissent dès lors leur corps s'exprimer pour eux, le moindre geste et le moindre regard des deux amants traduisant au spectateur toute la puissance et la vérité de leur affection mutuelle. Si il est en effet impossible de retranscrire par des mots toute la puissance du sentiment amoureux, Malick y parvient prodigieusement par ses images et son travail sur le son et la musique. L'amour n'a jamais été filmé de si belle façon, si délicate et si juste : la subtilité, pour ma part, consiste justement à filmer une main d'homme, abîmé par le temps, légèrement posée sur le bras d'une femme, la discrétion gracieuse d'une épaule exposée au vent et reflétant la pâleur d'un ciel ombrageux, l'esquive d'une bouche innocente, trop jeune et naïve pour recevoir si tôt un premier baiser, le fait de capter en un regard soucieux, tendre et mélancolique sur l'être désiré toute l'essence du sentiment amoureux.