Seconde partie presque plus intéressante du fait que l'on ne s'écarte quasiment pas du quotidien de cette famille de colons établie sur les rives du lac Ki Chi Saga aux terres propices à culture du blé (cinquantaine de kms au sud-est de St Paul, ou de l'actuelle Minneapolis). Excepté une incursion en ville évoquée hors le champ d'une pièce, et la ruée vers l'or de Robert et Arvid narrée de manière onirique - ou plutôt cauchemardesque -, l'unité de lieu est tenue.
Nous sommes dans l'intimité d'une famille. Leur mode de vie, les drames subis (sobrement et pudiquement retranscrits) observés dans une temporalité très dilatée, une sérénité fataliste très intrigante. Proche de la condition féminine, pacifiste au sujet des amérindiens, sans concession quant la liberté de culte...
On pourrait reprocher à Troell une trop grande neutralité historique (la position la plus subtile à tenir finalement !), même s'il évoque la "clémence" de Lincoln ayant réduit de 269 à 34 le nombre de Sioux pendus en 1962 à Mankayo, ou le traité de Traverse de 1851 ayant abouti certes à des indemnités au crédit des Sioux mais au versement très aléatoire les années suivantes (la misère occasionnée générera la révolte 11 ans plus tard) ! Je pense qu'il a cherché, Vilhelm Moberg au premier chef, a dresser un archétype du colon scandinave en éclipsant la polémique. Karl Oskar est le parfait pionnier, prêt à s'engager dans les rangs des unionistes...ce qui ne fait pas de lui nécessairement un modèle non plus (engrosse sa femme sachant les risques qu'elle encourt !!!).
La scénario fuit donc tout spectaculaire, on est très loin de Inarritu. Toutefois, le flashback mental (revenant par alternance), retraçant les grandes étapes de l'épopée de Robert est mis en scène avec beaucoup d'originalité. On pense instantanément à "Gerry" de Gus van Sant, dans les scènes d'épuisement dans le désert, quasi expérimentales, montées fractionnées, au grand angle, muettes et mêlées de cymbales hypnotiques.
Mais c'est le rythme fataliste, la temporalité contemplative, l'humilité du vécu qui marquent le plus ici. Très beau.