Les films qu'on revoit dix ou quinze ans après sont souvent l'occasion de faire une bonne virée dans la barque de la nostalgie. Les premières pelles roulées au ciné, les grosses virées entre potes, suivies de soirées déconne à fond les ballons. On passe devant sa DVDthèque, et va savoir pourquoi, on tombe sur ce film. On attrape donc la vieille boîte du DVD, la vieille VHS et on regarde d'un air amusé la jaquette en se disant "Eh, c'est vrai que j'avais bien aimé ce film !" On repense aux fameuses soirées, aux bons souvenirs. On ne sait plus trop bien pourquoi, mais on reste sur une bonne impression générale. On insère le DVD dans le lecteur, et une demi-heure plus tard on est fixé. Mais on a toujours en tête qu'on peut être déçu, car on est con quand même quand on est ado. Et puis franchement, elle est un peu louche cette histoire...
Le Pacte des Loups s'inscrivait dans mon cas dans une période où j'essorait les salles de ciné et où je me délectait de retrouver le réalisateur de Crying Freeman, que j'avais bien aimé ado.
J'ai donc revisionné le film dans un bon état d'esprit. Et j'ai effectivement retrouvé ce qui m'avait beaucoup plus chez le réalisateur. Un talent rare pour la photographie, un bon scénar bien barré et plutôt dense, des personnages complexes et enfin de bons twists.
La photographie est vraiment nickel. Les scènes d'action sont lisibles et inventives, avec une marque de fabrique évidente. L'accent est toujours mis sur l'esthétique et le renforcement de l'ambiance. Les scènes d'actions avec Marc Dacascos sont particulièrement fluides et réussies. On sent l'influence de Matrix, sorti deux ans plus tôt, mais les amateurs du réalisateur ne feront pas l'erreur de considérer ça comme un manque de goût. Il avait déjà pas mal expérimenté dans ses précédents longs métrages.
Alors bien sur, je ne peux pas faire l'impasse sur l'aspect très inégal de la direction des acteurs, des dialogues ou de rythme durant les deux heures vingt cinq de la version longue. Les acteurs masculins, exception faite de Marc Dacascos, mais surtout Vincent Kassel et Samuel Le Bihan, oscillent souvent entre le moyen-bon et le franchement mauvais. La révélation de la véritable personnalité du personnage de Kassel est plutôt consternante. L'écriture du scénario a un gros coup de mou arrivé au deux-tiers et la fin du film est trop convenue. Enfin certains dialogues tiennent quand même du bon gros pathos.
MAIS
Je préfère voir dans ce film l'opportunité de mettre en avant un cinéma de genre Français de qualité, qui avait déjà à l'époque un mal de chien à se financer, avec des mécènes et des producteurs extrêmement frileux concernant le cinéma de genre. Je veux saluer la prouesse, pas d'autres mots, de Christophe Gans d'avoir réussi à trouver un de budget de 32,000,000€ et d'avoir réussi à engranger plus de 5,000,000 d'entrées.
Et même si le film s'essouffle sur la fin, il faut quand même noter l'extrême originalité du scénario, alliant conspiration, fantastique, rythme et suspens avec une grande classe. Et se permettant de tenir le spectateur en haleine sur plus de deux heures quarante. Car il y a toujours des rebondissements dans l'histoire, MÊME vers la fin du film.
Par ailleurs l'utilisation de notre histoire Française locale, de ses légendes et de ses recoins les plus sombres me réjouis particulièrement. On est bien dans un film à succès, mais qui ne copie pas bêtement un cinéma de genre Américain. Christophe Gans se sert des codes du genre pour les transcender, les adapter aux besoins d'une histoire complexe et raffinée. Il plante un décors, une ambiance sombre et innovante dans un paysage Français peuplé de Bisounours et de comédie foireuses.
ALORS OUI LE CINEMA DE GENRE EXISTE EN FRANCE ET MERCI MONSIEUR GANS ! Merci pour cette superbe leçon de dramaturgie et de cinéma. Merci de ne pas baisser les bras face à ces crasses qui inondent la télé et le cinéma d'adaptations merdiques ou d'histoires aussi navrantes que débiles.