Il aurait dû être le point de départ d'une impressionnante vague de films de genre français. Le Pacte des Loups et ses cinq Millions de spectateurs en France résonnent à peine dans le paysage cinématographique contemporain étouffé par la comédie dont le pays du fromage qui pue se fait aujourd'hui le chantre. Retour sur le tour de force de Christophe Gans, habile métissage du feuilleton à l'ancienne, du film historique et des multiples influences de la pop culture.
En 2001, Le Pacte des Loups était l'exemple parfait de long métrage clivant au sein du corpus critique. Traité de "salmigondis" par Michel Ciment dans l'émission Le Masque et la plume ou bien défendu par le très éclairé Directeur d'Arte Cinéma Olivier Père, le film a largement trouvé son public faisant de Gans une espèce d'idole pour tous les accrocs au cinéma populaire. Enfin, l'histoire de France se confrontait à ses mythes sans avoir la trouille au cul d'assumer pleinement ses origines et sans photocopier les productions venues d'outre Atlantique. Il y a bien assez de légendes sur les terres françaises pour étancher notre soif de mystères et de malversations politiques en tout genre. Le réalisateur de Silent Hill, homme de goût et brillant analyste l'a compris, les racines du Cinéma français doivent être représentées. Le Pacte prend donc sa source dans un genre franco-français : Le film en costumes. Gans aura à loisir de citer Angelique pour illustrer son oeuvre et la teinter de l'aura populaire qui permet même au spectateur le plus occasionnel d'ouvrir toutes les portes sans le moindre effort. Parce qu'il y a aussi de ça dans cette adaptation de la Bête du Gevaudan, cette humilité à se baisser à hauteur du premier venu sans le toiser. Une constante que Le Pacte partage et que l'on retrouve également dans les gènes du film de cape et d'épée dans lequel Jean Marais ne cessait de créer de la proximité et de susciter la bienveillance envers son audience. Dans ce terreau culturel à la fois conservateur et référencé il y a l'histoire de cet indien venu d'une autre terre sur le vieux continent où lorsqu'une civilisation en plein modernisme rencontre une figure en pagne qu'elle imagine dépourvue de valeurs. À l'intérieur de ce choc des civilisations, la métaphore même du film de Christophe Gans, celle de la France respectueuse de son bagage historique et culturel ouverte à de nouveaux médiums. L'acceptation pour certains et le rejet pour d'autres dont l'immersion ne peut se faire dans un univers purement fantasmagorique situé au carrefour de Soul Calibur et d'une illustration de la bête au XVIII ème siècle.
De manière plus concrète, Le Pacte des Loups ne joue pas uniquement de sa modernité sur l'éternel discours de l'immigré en terre peu accueillante. D'ailleurs, la supériorité autant physique que spirituelle de Mani sur les différentes classes du peuple vient renforcer l'idée de l'étroitesse d'esprit du citoyen persuadé qu'une culture peut en écraser une autre. Non les vertus du Pacte se trouvent dans la propension à manipuler les masses par la peur. Un subterfuge encore aujourd'hui très actuel relayé par les médias et rebaptisé par le terme de "désinformation" puis de "récupération politique". Parce que sous ses airs de film de monstre dont Gans est friand, existe un film qui pourrait très bien prendre place dans la France actuelle avec ses théories du complot à foison et cette incertitude à voir l'avenir sous les meilleures auspices. Un tel projet produit à l'époque par "Canal plus" et "Eskwad" par l'entremise de Richard Grandpierre se pare d'un énorme casting constitué d'acteurs confirmés comme Jean Yanne, Jean François Stevenin ou Jacques Perrin côtoyant de nouveaux venus comme Émilie Dequenne ou Jérémie Renier. Vincent Cassel et Mark Dacascos ainsi que Samuel Bihan complèteront la troupe sans que l'un ne tire la couverture à lui seul. L'équipe technique s'est vue accompagnée de deux pointures : La première en la personne de Dan Lausten, chef op' de Guillermo Del Toro ainsi que du compositeur Joseph LoDuca déjà sur Evil Dead d'un certain Sam Raimi.
Si le film continue de fasciner presque vingt ans plus tard, il est toujours impossible d'expliquer les grands facteurs de sa réussite. Un alignement des planètes dû (peut-être) en partie à la faculté de Christophe Gans de brasser un public à la fois jeune et plus mâture. Une recette que Jean François Richet n'a pu retrouver il y a deux ans avec pourtant son très estimable "L'Empereur de Paris".