Le Pactole par pierrick_D_

Travailler c'est trop dur et voler c'est très beau.Yves Beaulieu,démineur de la Sécurité Civile,en a marre de son boulot dangereux et mal payé.Comme en plus son épouse Anne,conseillère dans une compagnie d'assurances,n'a plus envie de bosser non plus et lui met la pression,il décide de braquer le supermarché de son quartier.Jean-Pierre Mocky avait encore une certaine cote en ce milieu des années 80 et ce film dont il est producteur,réalisateur et coscénariste avec un de ses acteurs, Patrick Granier,est généralement considéré comme un bon cru.S'il passait plutôt bien en son temps,il a pourtant une sale gueule vu d'aujourd'hui.Il est vrai que la pseudo insolence du mec qui hurle "moteur!" parait bien dépassée désormais,tout comme son humour pas fin.Ca commence pas mal,entre polar noir et critique sociale,mais ça va vite retomber pour laisser place à une intrigue qui patine,se répète,et agite en vain un éventail de protagonistes englués dans cette histoire statique et frappés du syndrome du comportement aberrant.Ca se traîne,ça louvoie,ça meuble laborieusement pour cheminer jusqu'à une conclusion ratée obscurcie par une morale douteuse faisant l'apologie du vol et condamnant le travail.C'est bien beau de se goberger chez Maxim's,d'acheter des voitures hors de prix ou de faire des croisières exotiques mais il faut pour accéder à ces loisirs et à ces richesses que des gens bossent à la fabrication et dans les services,rien ne fonctionne par magie.Il y aurait donc les malins,ceux qui ont raison d'avoir une mentalité de gangsters,et les cons,ceux qui ont tort de travailler,étant entendu que la vraie vie ne s'envisage qu'à travers le luxe.C'est une façon étrange de voir les choses mais c'est celle du "trublion" Mocky,parfait petit télégraphiste du capitalisme financier.Il est d'autant plus regrettable qu'il présente ainsi la situation qu'il y aurait effectivement beaucoup à dire à propos des inégalités sociales,qui sont bien réelles.Il tente d'ailleurs de le faire ponctuellement par le biais de dialogues "conscientisés" mais ,c'est un des drames de Mocky,il n'a jamais su écrire les dialogues et ses répliques puériles tombent à plat,quelque part entre réflexions de comptoir et philosophie politique de bac à sable.Roger Loubet a composé une musique sympa dans ses premiers accords,hélas il s'est arrêté là et sert les mêmes en boucle tout au long du film,ce qui provoque chez le spectateur une certaine overdose auditive qui finit par correspondre à la répétitivité des évènements.On aurait pu attendre mieux après une mise en place alléchante.Beaulieu,voleur amateur,réussit son hold-up mais se fait vite repérer et se trouve surveillé à la fois par Rousselet,le policier chargé de l'enquête,Bandin,le directeur du magasin dévalisé,et un ouvrier arabe qui l'a vu sortir des égouts avec l'argent.Malheureusement ça tourne en rond au fil de scènes filandreuses,avec une histoire de maître-chanteur interminable qui se conclura de manière stupide tandis que le beur disparaîtra mystérieusement du paysage,il semblerait que les auteurs l'aient carrément oublié en route.On peut sauver l'utilisation de décors aussi déprimants qu'insolites de banlieue parisienne chopés du côté de Pantin et qui sont en osmose avec la photo grisâtre d'Edmond Richard,fidèle complice de Mocky.Les personnages errent de HLM pourris en pavillons minables,de bureaux impersonnels en Franprix pouilleux,en passant par des égouts puants et un dépôt de bus sinistre et embrumé où se déroule une fort jolie séquence.La distribution,comme d'habitude avec JP,se divise entre professionnels reconnus et vieux complices du cinéaste misant tout sur leurs physiques qu'on qualifiera sobrement d'atypiques.Ce qui ne veut pas dire que les premiers jouent forcément bien et les seconds obligatoirement faux.Richard Bohringer et Bernadette Lafont par exemple passent leur temps à aboyer leurs textes à contre-temps.Pauline Lafont en revanche,qui décèdera tragiquement trois ans plus tard,est très juste en plus d'être fabuleusement jolie.Elle interprète la fille de sa vraie mère Bernadette.Marie Laforêt est divine en artiste-peintre alcoolo-nympho qui trompe ouvertement son mari avec entre autres les jeunes éphèbes qui posent nus pour elle et fait un sacré numéro,dévoilant à 46 ans une plastique irréprochable quand elle part draguer la nuit sur les quais de Seine en dessous sexy.Roland Blanche et Chantal Neuwirth sont excellents mais sous-employés alors que Patrick Sébastien,rarissime au cinéma,rafle la mise en flic cocu et dépressif manoeuvrant pitoyablement pour récupérer le magot au lieu d'arrêter des coupables qu'il a très vite identifiés.L'imitateur se révèle être un acteur fantastique,naturel et puissant,et il est déplorable qu'il n'ait pas plus joué la comédie,mais c'est un métier qu'il n'apprécie guère,restant avant tout un homme de scène.Le wagon de tronches flippantes du Mocky Circus est bien fourni avec les stars de la bande Olivier Hémon,Dominique Zardi,Jean Abeillé,Jean-Paul Bonnaire,Christian Chauvaud,Jean Cherlian,Jean-Pierre Clami,Georges Lucas,Antonin Mayor,Sophie Moyse,Jean-Claude Romer,François Toumarkine,Pierre-Marcel Ondher,Luc Delhumeau,Marjorie Godin,Youri Radionow et Louis Sautelet,rien que du beau monde.