Pour son deuxième long métrage, Damien Manivel choisit d’interpréter les thèmes de l’adolescence et de l’amour, en inscrivant ses personnages dans un lieu unique, qui accueillera l’histoire du début à la fin : Le parc. Sous couvert d’une histoire banale, voire même sans intérêts, le réalisateur esquisse une idée sur la temporalité et ses effets sur les protagonistes par le biais de métaphores et d’indices plus ou moins subtils, dans une ambiance assez lourde et remplie de malaises.
En effet, l’embarras, c’est la première sensation qu’on éprouve en regardant ce film, dès la rencontre à tatillons des jeunes sur le banc. Les conversations ne sont pas passionnées, ni passionnantes (ils parlent réellement de la pluie et du beau temps), les silences pesants, et leur incapacité à cacher leur gêne, nous plonge avec eux dans les premiers émois maladroits. Néanmoins ce passage nous indique légèrement la thématique de la temporalité, puisque les personnages parlent souvent de leur passé, notamment de leurs blessures psychiques ou physiques avec Maxime qui évoque sa rancœur contre son père qui a quitté sa mère pour une femme plus jeune (peut être une référence à sa propre situation, puisqu’il ne quitte pas sa copine pour Naomi plus jeune que lui) ; et Naomi qui raconte sa double fracture des poignets.
Puis, lors de la poursuite de leur balade, les clins d’œil au couple sont très explicites quand au fait qu’il doit durer dans le temps : la « tantine » qui leur dit qu’il ne faut rien lâcher, le couple de personnes âgées et la comparaison de Naomi ; en bref on sent qu’il y a quelque chose qui cloche. Plus tard, des moments d’amour suivis de moment de froideur de la part de Maxime nous confirment que la fin arrive. La longue scène où Naomi attend le retour de son bien aimé qui ne reviendra pas, clos l’espoir que le personnage, et que peut être le spectateur aussi, avait. Le couple aura duré une journée au parc, consumé aussi vite qu’une cigarette.
La deuxième partie du film prend un tournant plus fantasmagorique, et illustre au pied de la lettre le souhait de la jeune fille de vouloir retourner en arrière. Là aussi plus tard, sa rencontre avec l’agent de surveillance qui semble au départ plein de bonne volonté, faisant le guignol pour lui remonter le moral, met le spectateur mal à l’aise. Lorsqu’ils batifolent dans la forêt comme des enfants, leur décalage d’âge est encore plus contrasté et donc perturbant. Puis viens le moment de la barque, sur l’eau calme, dans le noir profond. Telle une traversée du Styx, avec un homme angoissant à l’allure démoniaque à la rame, on pourrait penser que le personnage se rapproche de la mort. Puis Maxime réapparait tel un fantôme pour faire des adieux difficiles pour la jeune fille qui ne veut pas le laisser partir. C’est peut être finalement le deuil de leur relation. Puis réveil, et retour au parc, toujours vert et toujours mouvementé avec les allers et venues des passants : la vie continue après tout.
Malgré ses intentions, le film ne transmet pas vraiment d’émotions et laisse le spectateur sans réel ressentit (s’il ne prend pas la peine de l’analyser après visionnage). L’utilisation des plans séquences est justifiée puisque qu’on suit les personnages sur une journée, mais n’atteint pas le public, qui reste coincé dans des cadrages fixes, limités, qui donnent parfois la désagréable impression d’être voyeur sans choisir ce que l’on voit.