Le Parfum de la Dame en Noir (Il profumo della signora in nero) est le tout premier long métrage de Francesco Barillli et pour un coup d'essais ce n'est pas loin d'un petit coup de maître. Il est même assez étonnant de découvrir que après un second film intitulé Pensione Paura en 1978 sa carrière bifurque ensuite vers la télévision et quasiment l’oubli. Souvent rattaché injustement au giallo, Le Parfum de la Dame en Noir est un thriller psychologique qui s'inscrit bien plus dans la veine des premiers films de Roman Polanski que vers le genre mythique et ultra codifié du thriller horrifique et érotique italien
Le film nous raconte l'histoire de Sylvia une jeune femme chef d'entreprise et célibataire complètement tournée vers sa carrière professionnelle. Pourtant à la suite d'une rencontre avec des amis et d'une discussion autour du vaudou la jeune femme commence à avoir d'étranges visions, cauchemars et hallucinations qui la replonge dans les traumatisme de son enfance.
Une jeune femme fragile qui se retrouve confrontée aux traumatismes psychologique de son enfance et contrainte d'affronter ses propres fantômes, on est effectivement ici dans une ambiance à la Rosemary's Baby ou dans une moindre mesure Répulsion. Dans le rôle de Sylvia, on retrouve la comédienne américaine Mismy Farmer qui incarne sans surprises une parfaite figure diaphane et fragile proche de Mia Farrow dans le film culte de Polanski. Si Francesco Barilli semble ne jamais avoir masqué son inspiration envers Rosemary's Baby , j'ai trouvé en retour que son film ressemblait par bien des aspects au futur film Le Locataire qui sortira deux ans plus tard. Le Parfum de la Dame en Noir explore donc par des apparitions, des visions étranges et une ambiance de plus en plus anxiogène comment une jeune femme voit ressurgir de son passé et les traumatismes enfouis d'une enfance particulièrement traumatisante. Il y-a comme dans Le Locataire cette sensation d’oppression constante de la part d'un entourage qui semble de plus en plus inquiétant à mesure que le film avance ; proches, amis, voisins, commerçants tous semblent doucement mais sûrement pousser Sylvia vers la folie à moins que ce ne soit la propre vision de la jeune femme qui vrille complètement la réalité. L'ambiance du film est à la fois très douce et angoissante avec une très belle photographie pastel signée Mario Masini et surtout la formidable musique de Nicola Piovani (plus de 200 bandes originales au compteur) dont la douce et entêtante mélodie entre berceuse et boîte à musique sonne pour le coup très giallo à la Dario Argento. Je ne révélerais bien sûr par la toute fin du film mais elle nous entraîne vers une noirceur et étrangeté assez surprenante même si elle peine à pleinement trouver sa légitimité au sein de l'intrigue.
Si l'on doit légitimement regretter que Francesco Barilli est fait si peu de films c'est que le réalisateur s'avère être un esthète de l'image et un orfèvre de la narration. Le film est une sorte de longue et inexorable plongée vers une enfance traumatisée que l'on découvre lentement à mesure des indices et des visions mises en place. On notera aussi que le film est truffé de références à Alice in Wonderland et que la référence se poursuit jusque dans l'image. On pourra constater par exemple que le réalisateur utilise et joue très souvent avec les idées du reflet et du miroir. C'est la cas plus particulièrement encore dans une formidable séquence de spiritisme dans laquelle Francesco Barilli utilise un savant jeu de miroirs pour créer des plans fascinants avec une profonde mise en abîme des personnages dans le cadre.
Subtil mélange de fragrance de giallo et de senteurs de thriller nappé de drame psychologique le tout emballé dans un packaging à l'esthétique soignée et délicieusement doux ce Parfum de la Dame en Noir sent bon l'ambiance captivante des saveurs oubliés du très bon bis d'antan.