Dernière partie de cette grande fresque familiale du Parrain, Le Parrain : 3e Partie est celle qui divise le plus parmi les grands amateurs de cette histoire ô combien déchirante en bien des points. Il est vrai que cette troisième partie n'était pas voulue dans la conception du projet initial, et que les détracteurs de celle-ci utilisent facilement cet argument pour prouver l'inutilité d'une nouvelle partie tant ils estiment que la deuxième se suffit à elle-même pour conclure cette histoire.
Je vais immédiatement dire que je comprends cette position parce que je comprends en quoi elle a pu en décevoir certains. Toutefois, je vais tout de même tenter de montrer que ce troisième volet est selon moi la plus belle des conclusions possibles pour cette histoire. Bien que j'apprécie grandement la deuxième partie - qui est pour moi la meilleure de la saga - il n'en demeure pas moins que cette troisième partie me semble essentielle pour achever le destin du personnage de Michael de façon admirable et logique.


Dans cette troisième partie, on constate dès le départ que les enfants vont être le centre de l'attention de l'histoire, car ils sont désormais la dernière chose qui compte pour un Michael vieillissant qui s'approche de plus en plus de sa retraite au sein de la famille. A ce propos, Al Pacino joue merveilleusement bien et je ne suis pas du tout d'accord avec ceux qui ne le trouvent pas dans la continuité des volets précédents. Il faut quand même se rappeler que Michael n'est pas du tout qu'un simple tueur impitoyable complètement froid, c'est peut-être à cause de cette vision simpliste du personnage que certains le croient impossible d'adopter des sentiments forts pour ses proches. La tragédie qui se produit à la fin de la deuxième partie est un acte crève-cœur pour Michael, il ne le fait pas sans aucun remord et c'est directement visible avec cette scène finale où on le retrouve assis sur une chaise en train de méditer sur ses agissements. C'est un calculateur rationnel qui a compris que pour s'en sortir dans ce milieu et maintenir son institution, il ne fallait pas toujours faire preuve de bons sentiments chrétiens. Effectivement, c'est une personne qui n'hésite pas à aller très loin dans ses agissements mais ce n'est certainement pas un psychopathe dépourvu d'une once d'émotion, et justement, c'est cet élément qui fait d'ailleurs de cette trilogie entière avec cette conclusion finale dans le III, une véritable tragédie forte en émotions pour quelqu'un qui aura malheureusement échoué en tout point dans son projet initial, avec des choix hautement critiquables à cause des circonstances que l'on connait.


Pour moi, toute la séquence en Sicile vers les deux tiers du film est absolument grandiose et parfaite, complètement à l'image de la grandeur des deux parties précédentes. Les déambulations de Michael qui se retrouve enfin à discuter avec Kay dans les rues de son enfance sont tout simplement sublimes. Coppola ne cède pas à la facilité et ne conclut pas ces retrouvailles par une restructuration totale du couple mais nous montre bien que ces deux personnages sont restés étroitement liés l'un à l'autre sans jamais pouvoir poursuivre leur aventure tous les deux.
On peut ensuite évoquer la scène de la confession de Michael ô combien déchirante, poignante et magnifiquement interprétée une nouvelle fois par Al Pacino qui démontre l'étendue de son talent. Si j'aime autant Le Parrain dans son développement en trois temps, c'est parce que j'arrive à comprendre ce personnage, j'arrive à entrer dans ses tourments, j'arrive à comprendre son échec, et c'est d'autant plus terrible que ça se passe ainsi. Pour moi tout est bien crédible et tout est fort en émotion. Ce n'est pas un film manichéen du tout, c'est justement ce qui donne de la profondeur au personnage de Michael, et je pense que certains sont passés à côté de ça.


Je ne pense pas non plus que l'intrigue autour des mystères du Vatican soit une réelle faiblesse comparée aux deux autres. La structure familiale a changé, et c'est bien normal que les contacts entre Michael et les personnes de l'extérieur changent également, on ne peut pas nous refaire les énièmes coups des deux précédents volets, auquel cas, ça aurait été une réelle faiblesse.
Non, on a quelque chose qui est parfaitement crédible dans cette histoire et qui renouvelle de façon intelligente la suite de l'histoire de Michael et de sa famille. En clair, mon intérêt n'a jamais faibli lors du long fil rouge de l'histoire.


En revanche, je suis bel et bien d'accord pour dire de façon objective que ce troisième volet est le moins bon de la trilogie et notamment parce qu'il souffre de deux problèmes que l'on ne retrouve pas vraiment dans les deux précédents. Premièrement, le jeu de Sophia Coppola est en-dessous du reste du casting. C'est assez flagrant sur les quelques scènes qu'elle doit jouer où l'on sent que Francis Ford Coppola a vraiment placé sa fille car il y avait certainement trois fois mieux que cette actrice pour interpréter le rôle de la fille de Michael. Disons qu'elle semble parfois trop niaise et un peu sotte, mais même dans ses expressions faciales lors des discussions, elle n'arrive jamais à se montrer pleinement convaincante.
Ensuite, je dirai que le deuxième problème majeur réside dans le personnage du neveu, qui manque cruellement de charisme, de prestance et qui ne se montre pas toujours crédible pour reprendre ce flambeau familial. On peut aussi regretter que cela se fasse trop rapidement, ça ne sonne pas entièrement faux, mais on a l'impression que ça peut sonner un peu "précipité".
On regrettera également leur petite histoire d'amour peu intéressante qui était assez dispensable bien qu'elle serve le scénario pour montrer la dureté émotionnelle dont il faut faire preuve pour devenir le nouveau parrain de la famille.


Enfin, rien que pour les trente dernières minutes du film qui sont d'une perfection absolue en tout point, je ne pouvais pas ne pas mettre 10 à cette conclusion qui est vraiment conforme à la suite logique de l'histoire de Michael Corleone et du devenir de sa famille. C'est aussi un film qui m'a réellement bouleversé dans les cinq dernières minutes qui font partie de mes préférées dans l'histoire du cinéma. J'ai même pas pu m'empêcher de lâcher quelques larmes - ce qui ne m'arrive pourtant jamais devant un film - c'est dire la puissance émotionnelle qui s'est dégagée en moi à ce moment. Ce cri de déchirement intérieur et cette musique incroyable et terrible qui accompagne un Michael très âgé qui revoit défiler dans sa mémoire les magnifiques scènes de danse avec les femmes qu'il a pu connaître dans sa vie, que ce soit ses compagnes ou encore sa fille. Tout n'a été qu'un échec avec ces femmes, tout s'est conclu tragiquement pour lui. Francis Ford Coppola décide d'achever toute rédemption possible pour son personnage, ce qui renforce grandement le sentiment d'impuissance de ce dernier face à ce qu'il a dû affronter. Le plan final reste à ce jour mon préféré dans l'histoire du cinéma : un cadre magnifique, cette lenteur avec laquelle le personnage tombe - à l'image de tout le poids de ses mésaventures et ses échecs -, signifiant irrémédiablement la fin de son existence et sa solitude profonde. En effet, solitude qui s'est définitivement actée par la fin tragique que l'on connait dans ce troisième volet, où l'on comprend que sa femme ne l'a certainement plus jamais revu, l'accusant d'être une nouvelle fois responsable de cet évènement. Michael n'a certes rien pu faire, il paie simplement les conséquences de ce qu'il a entrepris précédemment. La causalité s'acharne sur lui avec une rare violence.


A ce moment, on se souvient de la vie menée par son père, qui fut bien plus belle et bien plus réussie. Michael Corleone, aussi intelligent soit-il et a priori apte à reprendre le flambeau familial, a tout perdu et tout détruit dans sa vie et dans sa famille, sans que tout soit uniquement de sa faute, et c'est la grande force de la subtilité de cette histoire ô combien bouleversante.

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le 20 nov. 2020

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Tystnaden

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