Le Passage du Rhin par inspecteurmorvandieu

En 1940, deux soldats français prisonniers en Allemagne s'improvisent cultivateurs dans une ferme, moyen de s'évader plus facilement. S'il sont deux, c'est parce qu'André Cayatte et son co-scénariste Armand Jammot ont le projet de mettre en parallèle deux façons de traverser la guerre jusqu'à son terme.

Quinze ans seulement après la fin de la guerre, Cayatte réalise une chronique intelligente, exemplaire de sobriété et habile dans l'ellipse. Les histoires respectives de Durrieu et de Perrin (Georges Rivière et Charles Aznavour, excellents) dévoilent une écriture fine, aussi éloignées du pathos que de la caricature, tant sur la rive gauche du Rhin que sur sa rive droite. Car, les deux prisonniers font un choix différents, celui de rester dans la famille d'agriculteurs allemands pour le boulanger Perrin, celui de la lutte et du retour en France pour le journaliste Durrieu.

Le réalisateur alterne deux récits tout en modestie et en intégrité, en courage même lorsqu'il s'agit d'évoquer le malheur qui touche plus tard les villageois allemands (avec des comédiens allemands remarquables d'authenticité). Les passages qui évoquent la vie du soldat travaillant pour la population allemande -les KG- semblent justes et introduisent des moments d'émotion vraie parce qu'ils ne sont pas démonstratifs.

A Paris, Durrieu et les figures qu'il y croise ou qu'il y retrouve ne donnent pas dans le manichéisme ou la fanfaronnerie patriotique (mention très bien à la belle Nicole Courcel). Les portraits, aussi succincts soient-ils, sont une réelle qualité du film. Et, à l'image du laconisme adopté par le personnage de Charles Aznavour, les dialogues ne disent rien de plus que ce qu'il faut, c'est-à-dire que les auteurs n'éprouvent pas le besoin de verser dans l'explication de texte. C'est par la mise en scène et la sincérité de l'interprétation qu'ils font passer leurs idées.