La comédie est un art difficile et ingrat. Quand elle est ratée ou même moyenne, elle est plus vilipendée que les autres genres, sous prétexte qu’elle est prétendument moins ambitieuse et qu’elle vise un très large public et prend donc moins de risques. Quelle absurdité de penser que le seul le cinéma d’auteur est un art complexe et donc respectable ! Longtemps boudée dans le métier, la comédie a rarement été jugée à sa juste valeur. Et le choix de l’académie des César de remettre un prix du public n’a duré que trois ans, arrivant bien trop tard et ratant totalement son objectif en offrant des récompenses à des films qui ne le méritaient pas. Or quand on constate que de très nombreuses répliques d’un film sont entrées dans le langage courant, c’est la démonstration qu’une œuvre a rencontré son public et réciproquement. Peu de films ont réussi cette gageure qui, d’ailleurs, est très rarement l’objectif recherché. Une poignée de films, même pas dix, ont été vus et revus, et appartiennent totalement à la culture populaire. Des Tontons flingueurs au Diner de cons en passant par Les Bronzés font du ski, rares sont les films dont les dialogues sont connus par autant de personnes.
Le Père-Noël est une ordure est peut-être la comédie possédant le plus de répliques entrées dans le langage commun. À la revoir, on retrouve un nombre insensé de bons mots qu’on utilise régulièrement. C’est également une des comédies françaises les plus audacieuses qui ait été réalisées. S’attaquer avec une telle férocité à la magie de Noël, aux associations caritatives, aux cas sociaux, aux déclassés et autres gens de bonnes mœurs était une chose nouvelle pour l’époque. Tant et si bien que le film eut quelques difficultés lors de sa sortie. Aujourd’hui, une telle comédie, tant le « politiquement correct » a envahi tout l’espace, est impossible. À la fois comédie de boulevard très française, comédie sociale noire et farce chorale burlesque, Le Père-Noël est une ordure a posé les bases d’un nouveau cinéma comique. Avec des acteurs tous fabuleux, un rythme effréné mais pas frénétique, des trouvailles à tous les étages, on tient là un film qui n’est pas devenu culte par hasard.
Plus abouti que la pièce de théâtre qui avait tendance à partir en sucette dans sa dernière partie, même si la dernière ligne droite macabre est un peu en retrait, le scénario est bien fichu. Les personnages sont de belles caricatures qui ont tous leur intérêt jusqu’aux seconds rôles. Certains ont leur place dans le Panthéon des personnages de cinéma les plus barrés (Félix, Zézette, Katia, monsieur Preskovitch, etc.). Mais, c’est aussi pourquoi la comédie est un art ingrat car, en dépit de ses innombrables qualités qui en font une des meilleures comédies françaises, Le Père-Noël est une ordure est un film qui n’a gagné ses galons auprès du public et acquis son statut de film culte qu’après des dizaines et des dizaines de rediffusions à la télévision. Un art ingrat, on vous dit !