Inébranlable arcane de quelques grands cinéastes, marelle immaculée entre le Néo-Réalisme et la Nouvelle Vague, Little Fugitive est une ode à l'aventure et la liberté aussi tendre que puissante. Tournant discrètement avec une caméra miniature dans les rues de Brooklyn et à Coney Island, trois francs six sous en poche, Morris Engel, photographe, réalise un premier long-métrage d'une incroyable authenticité, capturant sur le vif les émotions et l'apprentissage d'une petite tête rousse de sept ans dans l'immensité aussi grisante qu'effrayante de la foule. On s'attache au petit Joey, sa frayeur, sa joie, son insouciance, sa répartie, mais aussi à l'ambiguïté de sa relation avec son frère Lennie, cruelle et douce à la fois, essences d'une péripétie initiatique qui touche en plein cœur par son réalisme viscéral et sa générosité inégalable. La voix-off en ouverture s'efface pour laisser place à l'humilité de la parole, le sens du partage et de la responsabilité émargeant alors des gestes, des regards, mais aussi de l'ingéniosité des raccords-images et du panache de son chorus. Spontané et rafraîchissant précurseur, Little Fugitive est une petite pépite du cinéma universel qu'il ne faut absolument pas laisser s'échapper.
http://shawshank89.blogspot.fr/2015/10/little-fugitive-le-petit-fugitif.html