Découvert en salle lors de sa ressortie il y a tout juste onze ans, Le petit fugitif n’a dès lors cessé de me hanter mais je ne l’avais jamais revu. C’est chose faite, qui plus est en le faisant découvrir à mon garçon, qui a le même âge que Joey, le petit fugitif en question. C’était parfait.
Joey Norton, sept ans, vit avec sa maman et son frère Lennie dans un quartier de Brooklyn. Suite à une mauvaise blague « des grands » Joey file seul à Coney Island où il va errer entre les plages et les manèges.
C’est l’histoire d’un cow-boy en socquettes, accompagné d’un harmonica (celui de son frère qu’il croit avoir tué) qui disparait avec sa tristesse, apprend à monter à cheval, tirer au pistolet et à se faire de l’argent en échange de bouteilles vides consignées.
C’est un vrai western à hauteur d’enfant. Doublé d’une chronique miraculeuse qui nous fait voyager dans le New York des années 50, d’abord entre les terrains vagues et les gratte-ciels de Brooklyn, puis entre les attractions et les stands de hot-dog de Coney Island.
Un vibrant film sur l’enfance et sur une ville, construit à trois par Ray Ashley, Morris Engel & Ruth Orkin, chacun dans son rôle de prédilection : Le scénario pour Ashley, la réalisation pour Engel et le montage pour Orkin, son épouse. En théorie. Car tous œuvreront finalement sur tous les fronts.
Epaulé de sa caméra ultralégère, Engel, photographe de formation, spécialisé dans le photoreportage, pourra filmer son héros au plus près, dans chacun de ses mouvements, saisissant chacune de ses grimaces, parfois même au beau milieu de la foule, créant un vertige documentaire.
Bref, c’est film aussi touchant qu’il est indispensable. Et fondateur du cinéma indépendant américain (difficile de ne pas y voir une référence pour les films de Cassavetes, Shadows notamment) et l’un des déclencheurs de la Nouvelle Vague en France puisqu’il est impossible de ne pas y voir l’ébauche des Quatre-cents coups.