Tiré d'un fait divers, Le Petit Garçon de Nagisa Oshima raconte l'histoire d'une famille dysfonctionnelle voguant de ville en ville afin de commettre un larcin simple mais efficace : simuler un accident de voiture pour ensuite faire chanter les conducteurs et obtenir de leur part "à l'amiable" une compensation financière. Ce couple, accompagné de deux jeunes enfants, vit ainsi au jour le jour, avec le rêve et l'espoir de connaître, un jour, une existence normale à l'abris de l'incertitude.
Pour raconter cette histoire, Nagisa Oshima prend le point de vue du garçon aîné, 12 ans, qui participe aux activités frauduleuses de ses parents (en réalité son père et sa belle-mère) tout en observant avec mélancolie la vie normale auquel il n'a pas le droit (s'il porte un uniforme scolaire, il n'est bien entendu pas scolarisé) ou s'évadant dans un monde imaginaire (peuplé d'extraterrestres et de héros).
A travers ce récit d'une tendre cruauté, qui fait penser à la palme d'or de Kore-eda Hirokazu, Une affaire de famille, le cinéaste japonais livre ainsi un critique en règle de la société japonaise d'après-guerre, une société inégalitaire et individualiste dans laquelle les laissés-pour-compte sont livrés à eux mêmes. La mise en scène de Nagisa Oshima, d'une rare beauté, renforce la cruauté du récit : les scènes d'intérieure, dans ces auberges de passage, sont angoissantes; les scènes à l'extérieur, au cadrage impeccable, écrasent également les personnages; les couleurs, tantôt grisonnantes, tantôt éclatantes, expriment toutes les nuances de sentiment des personnages.