Quand on envisage un classique de la littérature française, souvent promis inadaptable, et soudain adapté par le réalisateur de Kung-Fu Panda, on ne peut être que sceptique...
Or on nous avait aussi promis, en plus de la prouesse de, justement, avoir adapté l'inadaptable, un spectacle féerique et esthétiquement parfait.
Et bien, c'est le cas.
Rares sont ces images qui, rien qu'en les voyant, vous donne des frissons, voire les larmes aux yeux...
Celles du Petit Prince ont ce pouvoir.
L'animation dépasse ici les limites de ce qui a été possible de faire auparavant.
Autant dans les parties en images de synthèse 3D, l'ensemble est déjà vu, mais Mark Osborne y rajoute un jeu de couleurs et d'ombres magnifique (je repense à cette scène où, lors d'un accident, le parachute multicolore de l'avion du vieil homme est lâché et vient gentiment se poser sur nos yeux ébahis).
Mais là où l'animation nous prend littéralement aux tripes, c'est bien évidemment lors des magnifiques séquences en stop motion papier, rendant le plus fidèle et vibrant hommage au texte de St Exupéry.
S'y confrontent, avec une simplicité épatante, autant de réflexions critiques sur la société que d'allusions métaphoriques aux souffrances adultes.
Un grand bravo aux comédiens (et quels comédiens !) qui prêtent leur voix aux personnage, notamment Vincent Cassel (c'est lui que je retiens) qui donne au personnage du Renard une dimension toute particulière, émouvante et sublime.
Les pérégrinations du Petit Prince ébahissent.
Celles de la petite fille font rire.
Ici Mark Osborne surprend et dépasse totalement nos attentes. Il dresse de subtils parallèles entre l'histoire du petit prince, petit garçon aux questions déroutantes et remettant le monde en question, celle de l'aviateur, jolie figure métaphorique de Saint-Exupéry, adulte qui n'a pas voulu grandir, et celle de cette petite fille, forcée de vivre dans un monde terne, gris, adulte et trop sérieux, où le destin des enfants est tracé par les parents, où l'efficacité est mot d'ordre et où la plus belle qualité est d'être "essentiel". A la manière d'un Burton, le réalisateur crée une banlieue pavillonnaire métonymique des frustrations d'une société qui prône l'essentiel, mais l'oubliant pourtant.
Mais à un certain moment le film chavire, prend un virage, malheureusement moins contrôlé.
De la parenthèse poétique au pays de l'imaginaire on tombe assez bêtement dans un film d'animation d'aventure tristement classique.
Et cela reste la majeure déception du film.
A la manière de Vice-Versa, plus tôt cet été, l'intrigue se perd dans des scènes de divertissement, mettant au présent ce qui n'avait pas lieu d'être, ce qui devait rester au stade du métaphorique, au stade de la feuille de papier, au stade de petits dessins en apparence naïfs de l'aviateur-auteur.
Les personnages qu'on ne faisait qu'imaginer se font réels.
Les réflexions indirectes se font directes.
En plus de s'ennuyer (l'intrigue n'est vraiment plus très palpitante et frise parfois le ridicule - sensation qui s'exprime peut-être par l'étrange goût amer de la rancœur et de la déception ?-), l'intrigue explicite bêtement ce qui n'était que suggéré.
On comprend soudain pourquoi le film était conseillé pour les enfants à partir de 3 ans...
Et ainsi peine à finir ce Petit Prince, dans deux scènes terriblement maladroites, où même les scénaristes n'ont pas su faire parler leur personnages, se morfondant dans un silence progressif qui bientôt envahi la salle pour laisser place à la musique (candide et sympathique mais terriblement vite agaçante, avouons-le nous) de Camille.
Déçu.
C'est bien le sentiment qui prime.
Car on avait bien cru assister à un chef d'oeuvre.