"Le Petit Soldat" est le second film de Jean-Luc Godard, qui vient immédiatement après le triomphe artistique de "A Bout de Souffle". C'est aujourd'hui un film un peu oublié, souvent considéré comme mineur au sein de l'impressionnante filmographie de (celui qui n'était pas encore...) l'ermite de Rolle. Pourtant en 1960, Godard y décrit de manière claire, agressive même, le combat sordide de l'extrême droite contre les agents du FLN en France et en Suisse. Il y montre les pratiques de tortures et d'assassinats qui fleurissaient. Et surtout il y explique que la France ne pourra jamais gagner cette guerre injuste. Du coup, "le Petit Soldat" subira un temps les foudres de la censure. Stylistiquement, le film est moins révolutionnaire que son illustre prédécesseur, même si la mise en scène de Godard, souvent très inspirée, tranche radicalement avec les pratiques de l'époque, et si la fougue de la jeunesse irradie encore le film. Bien sûr, Subor n'a pas le dixième du charisme de Belmondo (qui aurait changé la face du cinéma s'il avait seulement tourné plus régulièrement avec Godard !), et la post-synchronisation laxiste déréalise complètement des scènes qui auraient gagné à exprimer plus de tension. Heureusement, le film restera dans les mémoires grâce à deux scènes magiques, godardiennes en diable : la séance de shooting avec une Anna Karina dont on tombe instantanément amoureux, quitte à payer 50 dollars, et un superbe monologue de Subor qui permet pour la première fois (?) à Godard de faire preuve, non sans pugnacité, de cette virtuosité avec le langage et avec les concepts qui deviendra sa signature. [Critique écrite en 2017]