20 000 lieues sous les mers n'est pas le seul film adapté d'un roman de Jules Verne où Kirk Douglas a interprété l'un des membres d'un trio de protagonistes.
En effet, il a été également celui d'un autre trio de ce type dans Le Phare du bout du monde.
Que raconte le film?
Dans un huis clos dangereusement paisible, des personnages attendent la relève dans une île au sud-Est de l’Argentine repérable à l'aide d'un phare où se trouve une immense cargaison de trésors.
Un jour, un navire pirate mené par l'ignoble Chef Kongré (Yul Brynner) tue froidement les malchanceux étant sur son chemin et s'auto-proclame Capitaine de l'Île le temps de rassembler la cargaison.
Seuls Fenton (Kirk Douglas) qui était en charge du phare, le naufragé Montefiore (Renato Salvatori) sauvé des pirates par Fenton et Arabella (Samantha Eggar) récupérée dans un naufrage par Kongré admirant sa beauté vont tenter de survivre face à ce monstre et ses sbires chacun à leurs manières.
Fenton, pragmatique, ne veut rien faire d'autre que se cacher et survivre jusqu'à ce que la relève du phare arrive et combatte les pirates eux-mêmes pour s'enfuir de son côté. Montefiore, empathique, voudrait affronter les pirates afin que ces naufrageurs ne pillent et ne coulent plus de navires comme celui où il se trouvait; navire duquel lui et Arabella sont les seuls survivants. Arabella, apeurée et résignée/opportuniste, accepte les faveurs galantes de Kongré pensant que personne ne peut mettre fin à la cruelle domination de ce dernier.
Tout comme dans 20 000 lieues sous les mers, les protagonistes de Le Phare du bout du monde sont individualistes et ne se serrent pas les coudes face à une situation grave (malgré le fait que Fenton et Montefiore semblent devenir de bons amis au cours de l'intrigue)
; au point que Fenton va jusqu'à imposer sa manière de faire à Montefiore pour lequel il avait pourtant fait preuve d'empathie malgré le fait qu'il suive temporairement l'exemple de Montefiore en sauvant un navire égaré sur le point d'être coulé par les naufrageurs; tandis qu'Arabella refuse la main secourable de Fenton pensant n'avoir rien à craindre de Kondré endoctrinée par le confort illusoire qu'il lui accorde et ne voulant pas être traquée comme une fugitive.
Petit à petit, cet individualisme est mis à l'épreuve par les actes de Kondré conscients des faiblesses des individus n'aimant pas son autorité au point que les actes des individus ne deviennent dangereux...
...voire destructeur...
...envers eux-mêmes.
La chose est, hélas, bien trop prouvée par les tristes péripéties du récit.
L'optimisme de Montefiore le poussera à voir Fenton comme un sauveur, ce qui amène une confiance en lui aveugle lui valant d'être capturé et torturé devant un Fenton impuissant face à une armée de pirates; se voyant obligé de l'abattre pour abréger ses souffrances.
L'opportunisme d'Arabella lui amènera les pires souffrances du monde Kondré finissant par autoriser ses hommes à la violer collectivement avant de la tuer.
Si Fenton parvient à battre Kondré, cela sera au prix de pertes humaines durant le séjour de l'immonde Capitaine; Fenton n'ayant réussi qu'à survivre seul et se sauver lui-même sans se préoccuper des autres et étant impuissant à sauver des humaines quand il espérait pouvoir le faire.
Ainsi, au moment où la relève arrive enfin, Fenton est seul debout près du phare enflammé comme pour symboliser une apocalypse durant laquelle les pertes humaines sont beaucoup trop nombreuses.
Ainsi, au cours du film, on ne peut que se demander si le proverbe "Les meilleurs survivent" peut prendre tout son sens au cours de l'intrigue dans un monde où le manichéisme n'existe pas et où le chacun pour soi est prioritaire avant toute chose.
Cette absence de manichéisme ne peut que nous faire poser sur la nature humaine et ses côtés les plus sombres (l'humain est-il plus antipathique qu'empathique? l'humain est-il plus capable de monstruosité que de bonté? la peur peut-elle être plus forte que la compassion? le réflexe de survie peut-il nous pousser à faire des choses atroces?) allant peut-être jusqu'à nous interroger nous-mêmes sur les comportements que nous pourrions nous-mêmes avoir face à des situations où l'espoir n'existe pas.
Le fait que Le Phare du bout du monde soit un film tout public est d'autant plus puissant dans son propos car il nous pousse, dès notre plus âge, à comprendre que les histoires avec des gentils et des méchants ne sont que de la poudre aux yeux faussement rassurante et que l'humain, face à des situations dangereuses et désespérées, ne peut pas toujours être héroïque s'il veut se sauver lui-même.
Toutefois, bien que ce film soit digne d'éloges dans son propos et ses personnages complexes, il a des défauts qui ne peuvent pas être ignorés.
Pour commencer, les nuits américaines nous montrent que le film n'est plus tout jeune.
De plus, le film nous envahi de nombreux flashbacks de Fenton retardant l'intrigue alors qu'ils n'amènent rien dans l'histoire.
Et n'oublions pas non plus que le seul personnage féminin récurrent du film est montrée comme une profiteuse abusant de la crédulité de Fenton pour le piéger afin que Kondré le capture au cours du film. Que ceux/celles ne voyant pas ça comme du sexisme subissent ces cris
https://www.youtube.com/watch?v=KRLTB8iwxqI
Et, pire que tout, le film est horriblement raciste. En effet, les sbires de Kondré sont des Indiens aux habits stéréotypés de façon insultante. Sans compter le fait qu'un des serviteurs les plus dévoués de Kondré est un enfant de couleur montré comme malsain. Et n'oublions pas le white-washing ces personnages étant tous joués par des acteurs caucasiens et maquillés de façon pas du tout convaincantes.
Bref, un très bon film avec des personnages intéressants qui, malgré ses défauts, se laisse regarder avec plaisir.