Dans la filmographie de John Huston, le film d'espionnage "le piège" se situe 3 ans après l'excellente "Lettre du Kremlin". Alors que ce dernier était un film d'espionnage, "Le Piège" est un film dit de contre-espionnage puisque l'action se passe "à domicile" et consiste à démasquer et tenter d'empêcher que des traitres s'enfuient à l'Est.
Si je parle des deux films c'est pour tenter de retrouver des points communs "hustoniens" car ces deux films ne sont pas traités de la même façon sur le fond.
"La lettre du Kremlin" introduisait le spectateur dans un monde de l'espionnage réel avec des personnages hétéroclites plus intéressés par la prime que par l'objet de la mission. Le milieu parait tellement mouvant et complexe qu'on finit par ne plus vraiment savoir qui est qui ou qui manipule qui. Bref, l'image probable de l'espionnage (en milieu hostile ou non) qu'on peut avoir et qui utilise un personnel réel "tout venant".
"Le piège" est autre chose. Si je ne m'intéresse qu'à la façon de traiter l'affaire d'espionnage, ici, on a affaire à quelque chose de beaucoup plus aseptisé où le spectateur ne comprend qu'au fur et à mesure qu'il voit le héros prendre telle ou telle décision ou telle ou telle direction.
Que le spectateur ne comprenne rien, c'est la loi du genre. Ce n'est pas ça le problème.
Ici, clairement, on finit par penser que le héros sait parfaitement ce qu'il a à faire et que la marge d'aléas est assez faible. Pour prendre un exemple, le vol des diamants n'est que le prétexte arrangé/calculé par l'agent secret et son employeur Mackintosh pour être en mesure de rencontrer quelqu'un. Puis tout se déroulerait parfaitement s'il n'y avait pas quelques obstacles à franchir. Pour prendre une autre comparaison avec les films de James Bond dont le traitement du fond de l'affaire est encore différent, le héros connait aussi l'objectif à atteindre mais il fonce tête baissée dans les pièges (en général féminins) dont il se sortira après moult difficultés.
En définitive, dans "le piège", il n'y a que des contre-temps à surmonter et à résoudre dans une affaire appelée à rouler. Le seul piège que j'ai vu, c'est celui tendu à la partie adverse.
C'est après de nombreuses visions du film que je suis arrivé à cette conclusion après avoir fini par de me poser quelques questions clé. J'en déduis donc que le scénario est faussement compliqué et surtout perfectible.
Bon ceci n'empêche pas que c'est un bon film d'action avec des bagarres, des passages à tabac vicieux, des poursuites automobiles ou à pied dans la lande. La photographie des paysages irlandais ou maltais est remarquable. Si on ne se pose pas les questions existentielles que j'ai abordées tantôt, il n'y a pas de souci, on est bien pris par l'action et le suspense.
La réalisation de certaines scènes comme l'agression du facteur ou encre l'évasion de la prison sont réalisées avec un talent certain.
La musique de Maurice Jarre appuie quand il le faut, c'est très bien.
Au niveau de la distribution :
Le héros principal est joué par un habituellement beau et ténébreux Paul Newman, efficace dans son rôle de contre-espion.
James Mason est très bon dans son rôle d'homme politique très conservateur, intransigeant sur la morale politique. Il est crédible car il est dans son élément et dans un rôle qu'il a tenu à plusieurs reprises.
Dominique Sanda que je ne connais pas très bien (à part "le jardin des Finzi Contini") joue le rôle de l'adjoint du commanditaire du personnage de Paul Newman. Beauté glacée, mystérieuse, pas claire, à la diction lente et monocorde (qui rappellerait presque le style de la nouvelle vague). Je ne vais pas me mentir en disant qu'elle ne m'a pas paru à la hauteur du rôle.
Par contre, j'ai bien apprécié Harry Andrews dans le rôle du très british chef des services secrets.
Au final, c'est un bon film qu'on voit et revoit avec plaisir parce qu'il y a de l'action, du suspense et une belle photographie.
Ce n'est toutefois pas un très grand film car le scénario m'a paru perfectible pour corser un peu plus les situations dramatiques. La scène finale, que je ne dévoilerai pas, est par contre très réussie et contribue à conclure adroitement le film.