De bonnes idées et des intentions louables sur le fond, hélas gâchées par des problèmes formels et des outrances contre-productives.
En effet, Mocky décrit avec une belle pertinence la société française de la fin des seventies, après 30 ans de droite au pouvoir, marqués par la croissance économique mais aussi par un conservatisme rance qui a envenimé les rapports sociaux.
Mai 68 a été une respiration, mais dans le fond rien n'a changé selon Mocky, qui incarne un vieil aventurier du gauchisme, de retour d'Indonésie après dix ans d'absence.
Une partie de la jeunesse s'est fanatisée, à l'image de Francine (Catherine Leprince), une jeune française lambda ayant basculé dans l'activisme politique par refus des injustices, afin de ne pas vivre à genoux. D'autres ont choisi une voie passive et pacifique, comme Séverin (Bruno Netter), entre héritage de la culture hippie et influence de la société des loisirs.
Face à ce trio, la classe dominante est symbolisée par un parti politique corrompu qui multiplie les magouilles en tous genres, protégé par ses relations haut placées et par sa propre milice.
Bref, s'il y a du vrai là-dedans, on a connu analyse plus subtile et moins manichéenne.
D'autant que Mocky ne peut pas s'empêcher de se donner le beau rôle, celui de l'anar' désabusé mais encore prêt à défendre la veuve et l'orphelin, et éternel tombeur qui les séduit toutes au premier regard.
Plus grave, malgré des efforts notables en terme de mise en scène (de nombreux véhicules sont utilisés, parfois de façon judicieuse et originale), l'ensemble apparaît bâclé sur le plan formel, avec notamment une post-synchronisation terriblement artificielle, qui fait beaucoup de dégâts.
Les scènes improbables se succèdent, fleurant l'amateurisme ; au bout de dix minutes, ma suspension consentie d'incrédulité était anéantie (avec ces manifestants qui scandent le même unique slogan pendant des heures, par exemple).
Reste donc le deuxième degré pour apprécier "Le piège à cons" (bon titre au passage, renvoyant à un vieux slogan de mai 68). De fait, le film constitue une comédie très acceptable, avec ces poursuites rigolotes à la Benny Hill, ses bagarres délirantes, ses punchlines de cour de récré, et ses tronches de freaks qui parsèment le film (des comédiens fidèles de Mocky, qui use fréquemment de ce procédé).
Sauf que le réalisateur avait d'autres ambitions que de tourner une comédie potache, pour preuve ce dénouement tragique, qui vient rappeler que "Le piège à cons" constitue l'ultime volet d'une trilogie politique, entamée avec "Solo" puis "L'albatros".