Le premier indicateur d’une comédie de qualité est la capacité de faire rire. Or, Le pigeon est généreux en rire, qu’il suscite du début à la fin. Mais pas n’importe quel rire, un rire franc, honnête, gai et joyeux, un rire intelligent, jamais coupable, un rire plein de bonhomie, jamais moqueur, et surtout un rire qui, au fond, égaie le drame sous-jacent, provoqué par la pauvreté, la vieillesse, l’acharnement du sort, les déterminismes.
En effet, comme souvent dans les comédies italiennes classiques de qualité, la comédie prend le revers du néo-réalisme, sans jamais se détourner de la dureté des conditions de vie d’alors, de la faim, du chômage, de la vraie misère mais en l’affrontant sous un autre angle, celui de l’humour, la reléguant ainsi au second plan pour flouter le pathétique et se focaliser sur le ridicule.
Monicelli, touché par la grâce, nous emportant dans une succession de saynètes accompagnée par une sympathique et entraînante musique jazzy dans un récit qui ne faiblit pas, tourne d’excellentes scènes (comme celles du visionnage, du braquage raté, des leçons du professeur, …), entouré par une incroyable brochette d’acteurs, tous très bons (un faible pour le petit vieillard) qui déroulent les répliques hilarantes (« dis-moi, je cherche un certain Mario. - Des Mario, il y en 100 ! - Oui mais Mario le voleur? – Et alors, y en a toujours 100 ! » ou « vous pouvez pas crier sans faire de bruit ? », etc). Comique de mots, de gestes, de caractère, de situation, Monicelli applique les classiques du genre, entre farce, satire sociale et tragi-comédie, à travers des personnages types, ayant tous leur part de ridicule ou de grotesque mais aussi de beauté et d’honneur, si bien qu’ils ne sont jamais méchamment moqués par le cinéaste qui au fond les admire dans leur simplicité - et même lorsque la fille se révèle vénale ou les gars de bons gros fannulloni (fainéants) abhorrant le travail.
Un modèle du genre.
8,5/10