" On peut bien s'amuser, c'est une communion, pas un enterrement "
Je me focaliserais ici sur la nouvelle centrale du film, celle qui regroupe "plaisir et pureté", l'adaptation de la nouvelle de Maupassant "La Maison Tellier". Présentant en voix off, sous les traits de Maupassant, le film, Jean Servais nous livre les clefs de cette adaptation tout en joie et en émerveillement qui se recentre, à la différence de la nouvelle, sur les figures de Madame Rosa, magnifique Danielle Darrieux et de Joseph (Jean Gabin, please). Là où ils passaient inaperçus dans la nouvelle, Ophuls décide de propulser ces stars au premier rang, ce focalisant dans ce qui est le 2e mouvement de la nouvelle: la communion, sur les regards échangés entre les deux personnages, l'histoire d'amour non consommé, tachée de ce qui ressemble à une tentative de viol filmée de loin, à travers cette maison où se croisent des escaliers.
La nouvelle s'ouvre sur un plan séquence de deux minutes, prouesse cinématographique magnifique, qui nous plonge à la fois dans l'humour et la distance par rapport à cette maison close vers laquelle la caméra s'envole sans jamais y pénétrer, découpant le plaisir, mais aussi le désir à travers les persiennes qui ferment la maison close qui, pour nous, est véritablement close.
Ophuls se focalise donc sur cet empêchement au métier que constituait la nouvelle de Maupassant où se dessine une parenthèse enchantée et mystique (la religion étant moquée par Maupassant, beaucoup moins par Ophuls, la scène à l'église, avec les angelots étant beaucoup plus spirituelle et envoûtante dans le film,, crystalisée par les larmes de Rosa) dans la vie des prostituées avant le retour au travail. C'est donc dans l'empêchement, de quelque ordre qu'il soit, que Maupassant a construit ses figures de prostituées de Boule de suif aux femmes de la maison Tellier et ici, c'est vers le merveilleux et l'humour (remplaçant volontiers l'ironie subtile des mots de Maupassant) que vient se placer Ophuls entre, fidélité à l'oeuvre et mise en exergue du rêve et de l'onirisme à la force du choix de la musique, de ces plans d'une beauté époustouflante, et des fleurs qui viennent ponctuer le voyage de ce "troupeau magnifique" pour ne citer qu'une des tournures langagière de Maupassant que reprend ici Ophuls à l'aide d'une voix off.