Voilà un road-movie atypique. Il y a cette ambiance à la Rozier et si la respiration globale est plus inégale et donc moins hypnotique, surtout dans la première partie, l’idée d’une fuite qu’on ne maîtrise pas plane constamment sur le film. Liberté de mouvement et de création qui se joue aussi en amont puisque c’est un scénario à cinq mains que l’on accouche : Cavalier + ses quatre acteurs : Chicot, Bouchitey, Crombey, Saint-Macary. Au départ, un vendeur de voitures aux prises avec un client récalcitrant est envoyé par son patron pour conduire la Chevrolet d’un client important entre Lille et Cannes. Il annule alors son week-end familial ce qui blesse sa femme qui lui reproche, apparemment pour la énième fois, de servir de bonne poire. Bref, un mariage qui bat de l’aile. Il prend finalement la route, accompagné d’un copain. Et lors de leur première escale pipi ils se retrouvent contraint d’embarquer avec eux deux trublions, aussi menaçants que délurés, sans destination particulière mais parés pour filer eux aussi vers la Méditerranée. Le voyage ne sera bien entendu pas de tout repos. Il faut voir comment le film glisse et se perd, devient plus aimable dès lors qu’il creuse ses personnages en les rendant forcément moins antipathiques. Ça rit, ça crie, ça improvise, bref c’est électrique et débridé. La mise en scène est superbe, elle s’adapte parfaitement aux événements. Ce n’est que du mouvement, un peu saccadé, fragile, dissonant. Et le film regorge de moments à la fois légers, drôles et géniaux. Et finit par traiter chaque personnage de façon individuelle sans jamais lâcher l’idée de voyage initiatique groupée, comme chez Rozier. On plane moins que devant Les naufragés de l’île de la tortue, sorti la même année, mais plus on s’enfonce plus le film est fort. L’arrivée de l’enfant change évidemment la donne et à ce titre, la scène finale dans le train est une pure merveille.