Bon, on va pas se mentir, Le Plus Dignement est probablement le film le moins regardable d'Akira Kurosawa. Après tout, c'est un film de propagande fasciste et militariste qu'il a dû faire pour montrer patte blanche en plein pendant la Seconde Guerre mondiale. L'histoire est inintéressante au possible : un groupe de femmes, salariées dans une usine de fabrication de lentilles optiques (donc une usine d'armement), s'efforce d'augmenter la cadence pour répondre aux besoins croissants de l'armée japonaise. Les péripéties qui s'enchaînent se ressemblent toutes : machine tombe malade / a un accident / apprend que sa mère est morte (entourez la mention correcte) et insiste pour ne pas se reposer et travailler davantage encore pour la grandeur de l'empire. Bon.
Que reste-t-il pour sauver un minimum ce film ? Surtout le sujet et le style choisis par Kurosawa. Pour un film de propagande militariste, c'est quand même un sacré pas de côté de montrer des femmes travailleuses. Il met en lumière le rôle des femmes dans une société en guerre, très souvent passé sous silence. Ca permet à Kurosawa d'insister sur l'individu, qui traverse des drames intimes forts, contrastant avec le fantasme fasciste anti-individualiste d'un peuple uni pour le seul bénéfice du groupe. Le tout dans une sorte de docu-fiction, ou fiction très réaliste, apparemment sans emphase mais avec des acteurs quand même talentueux : l'éternel Takashi Shimura en directeur d'usine totalement fanatisé, et Yôko Yaguchi en cheffe du groupe des salariées, qui deviendra l'épouse de Kurosawa dans la vie.