Le Pôle Express
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Le Pôle Express

Long-métrage d'animation de Robert Zemeckis (2004)

Des enfants quittent leur maison pour grimper dans un train sans leurs parents. Il y a plus rassurant comme introduction. L’image n’est pas sans évoquer certaines heures sombres de notre histoire. Mais à défaut de visiter Dachau, les wagons de déportés vont à destination du pôle Nord afin que leurs passagers de tous bords et origines ; hommes, femmes, noir ou blanc, du plus aisé aux plus défavorisés ; puissent s’asseoir sur les genoux du père Noël. Et comme les gniards sont en robe de chambre et qu’ils ne tiennent pas en place. Il convient de tempérer un peu leurs ardeurs avec un bon chocolat chaud et un petit zeste de LSD, permettant au contrôleur de poinçonner leurs tickets et de prendre des photos d’eux tout nu au cas où il en aurait besoin un jour.


Mauvaise blague mise à part, rien n’arrivera à ces bambins, exceptés en cas de perte du billet. Auquel cas le sympathique monsieur moustachu de la RATP se fera un devoir de les débarquer dans le froid, faute de pouvoir les rançonner d’une amande cossu. Une bonne partie du film tournera autour de ce petit ticket magique s’envolant comme la caméra dans un plan séquence virtuose au gré du chahut ambiant. Un petit garçon cherchera à le récupérer jusqu’à se mettre en danger sur le toit de la locomotive où il fera la rencontre d’un clodo se réchauffant comme il peut en buvant son infecte jus de chaussette. Et oui, tout le monde n’a pas la chance de pouvoir voyager en première classe.


Le Pôle Express a beau avoir quelque peu vieillit, sa transposition en 3D montre bien à quel point Robert Zemeckis avait compris le potentiel forain de son sujet grâce à une série de vues subjectives bien senties. Le film est une libre adaptation d’un livre pour enfant garnit d’illustrations faisant la part belle à l’imagination. Certains effets en motion-capture souffrent des débuts balbutiants de cette technologie auquel Tom Hanks aura largement contribué en prêtant ses traits à six protagonistes différents. L’acteur sera d’ailleurs la seule figure paternelle vers laquelle se tourner pour surmonter les épreuves au côté de ce petit garçon dont on ne connaîtra jamais le nom. Le choix de moins personnifier le héros permet de mieux s’identifier et de projeter ses propres peurs, angoisses, souvenirs et émotions.


D’autre part, l’animation permet de mieux restituer les dessins originaux et décuple les sensations immersives de cette montagne russe vertigineuse et ascensionnelle. Au-delà de son voyage mouvementé et parsemé de péripéties, Le Pôle Express aborde la quête initiatique d’un enfant à l’orée de l’adolescence. Cet entre-deux correspond communément à la fin de l’innocence et des légendes et croyances populaires que l’on nous racontait pour nous bercer de douces illusions. Sam Peckinpah révélait au détour d’une réplique dans La Horde Sauvage que nous rêvions tous de redevenir des enfants, même les pires d’entre nous (surtout les pires). C’est dans cette citation que réside le cœur du film de Zemeckis, emprunt de magie, d’émerveillement et de mélancolie. Le train sera d’ailleurs une parfaite allégorie du temps filant à vitesse grand V que le composteur cherchera illusoirement à rattraper.


L’enfant se soucie moins de ses interrogations devant ce type de divertissement. L’adulte lui, donnerait tout pour pouvoir revenir dans le passé, envahi de souvenirs subliminaux : les premiers flocons pointant le bout de leurs cristaux, les après-midi hivernaux devant la télévision emmitouflé dans un plaid bien au chaud, les promenades dans les marchés de noël saturés, les batailles de boules de neige et descente de rue en luge d’hiver, les chocolats du St Nicolas, les illuminations féeriques des parades et balades nocturnes, ou le bon vieux crépitement d’un simple feu de cheminée. Ça en fait déborder des souvenirs. Le film nous martèle de préserver son âme d’enfant et de ne jamais cessé de rêver. C’est probablement le meilleur conseil que l’auteur de ses lignes pourra vous donner afin de profiter au mieux de cette attraction 3D. Le Pôle express aura surtout vocation à être un conte universel, un cheminement vers l’imaginaire pétrie de bonnes intentions, touchant aux sentiments, à condition de se laisser emporter et de ne pas oublier son petit ticket sous peine de grelotter sévère.


En cette période de festivités où il convient de se réunir en famille, d'ouvrir les cadeaux et de déguster une bonne pintade fourrée. L’Écran Barge vous propose de déterrer la hache de guerre en pervertissant l'esprit de Noël. Cette sélection de films saisonniers accompagnés de critiques virulentes et acerbes est donc réservés aux viandards, aux bisseux, aux tueurs de masses, aux durs à cuirs, aux frustrés et à tous ceux qui ne croient plus aux bons sentiments et à la paix dans le monde depuis bien trop longtemps.

Le-Roy-du-Bis
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