Film muet de 1933, très maîtrisé sur le plan formel (travellings, panoramiques, surimpressions, plongées, flou, et surtout nombreux gros plans qui permettent de souligner les doutes et la tension intérieure du personnage principal). Commande du ministère de l’intérieur à visée propagandiste, le film, tout en faisant l’éloge du travail de la police (travellings sur les motos et les voitures de police notamment), et en décrivant avec minutie les techniques d’enquête policière (gros plans sur les indices et les relevés d’empreintes, planques), insiste sur le trouble grandissant du jeune policier Itami, qui découvre après un braquage de banque les activités criminelles de son ami de jeunesse Tetsuo. Le rapport au passé et à la relation très « sensuelle » entre les deux amis (flash-backs très réussis) accentue le caractère introspectif du film, les nombreux gros plans sur le visage tourmenté d’Itami semblant annoncer la transformation, dans le cinéma américain, du film policier en film noir : le gros plan a ici une fonction similaire à celle de la voix off à la première personne dans le film noir américain.
Le récit est construit sur la prise de conscience progressive par Itami de la duplicité de son ami, des premiers soupçons à la découverte des preuves de son implication dans une vaste entreprise criminelle. Les souvenirs du passé idéalisé des amis, placé sous le signe du poète romantique Novalis (von Hardenberg dans le film, son vrai nom), ne peuvent retenir longtemps dans l’esprit du policier les doutes sur leur amour et sur leur amitié, sur la nécessité de leur affrontement (le sens du devoir est plus fort que le souvenir), et sur la divergence de leur parcours : le réalisme du film souligne le caractère inexorable de l’action de l’ordre et de la justice (l’image du ballon emprisonné dans un arbre). Au monde de l’illusion, qu’a choisi Tetsuo (« Personne ne sait ce qui peut nous arriver dans ce monde fait d’illusions », dit-il à Itami, en citant des textes bouddhistes – mais la ville comme illusion fait penser aussi au film noir), s’oppose ainsi à la fois la vision d’une ville sous contrôle (un plan montre la ville à travers un filet en surimpression) et la douloureuse prise de conscience par le policier Itami que leur jeunesse n’était qu’un beau rêve (« Nous le lisions comme dans un rêve », dit Tetsuo de Novalis). Mais c’est en arrêtant Tetsuo que Itami renoue en quelque sorte avec cette jeunesse romantique, lorsqu’après lui avoir passé les menottes, il le serre dans ses bras, dans un final poignant et magnifique.