La vache! Quelle distance a parcouru Bertrand Bonello entre ce film et son Saint Laurent ! "Le pornographe" a été plutôt pénible à suivre alors que "Saint Laurent" est si maîtrisé qu'il coule comme du miel sur un chèvre chaud.
A cet égard, Le pornographe apparaîtrait davantage comme un vilain biscuit étouffe-chrétien. D'abord, on a la très nette impression d'être devant une caricature du film français verbeux, poseur et paresseux, à la mise en scène atrophiée où deux acteurs tirant la gueule pérorent sur des banalités sans nom, avec des attitudes artificielles devant une fenêtre ou bien marchant dans la rue, sur les bords de Seine, dans un parc.
D'autre part, la présence de Jean-Pierre Léaud ajoute à cette sale impression. L'acteur rigide joue faux comme à l'habitude. Comme le film est souvent obscur, il est finalement en adéquation avec l'histoire qui nous est narrée. Tant bien que mal.
La narration cinématographique du "Saint Laurent" était ciselée à la perfection, d'une fluidité tellement réjouissante ! Or, "Le pornographe" est trop longtemps illisible, lent, jamais percutant, jamais dans l'incisif.
Boursouflés, les dialogues fatiguent l'oreille comme l'intelligence. J'ai écrit plus haut de la pénibilité, oui, c'est vraiment cet effort vain qu'on est obligé de faire pour pas grand chose. Que ce soit le creux portrait du cinéaste porno dont les troubles existentiels à propos de sa profession laissent perplexe (inventant un cinéma porno inexistant), que ce soit son fils oisif étudiant dont la geste politique construite sur le mutisme laisse pour le moins songeur (suggérant son immaturité avec lourdeur), les deux personnages ne sont jamais connectés, leurs trajectoires restant parallèles ne justifient en rien l'énoncé même du scénario. Bref, je n'ai trouvé aucun intérêt à ce film.
Ah, si! Il y a une scène qui retient mon attention et qui m'a immédiatement fait penser à l'inventivité de Bonello sur son Saint Laurent : la séquence très bien construite, visuellement superbe où Jérémie Rénier entame doucement une danse, en boîte de nuit, puis, progressivement, crescendo, lâche les chevaux, la danse débridée. Bertrand Bonello accélère la vitesse de l'image. C'est malin et beau. Seul moment de cinéma qui me "parle".
Dorénavant, je me méfierai des premiers films de Bonello, car j'en reverrai. J'ai tout de même hâte de mettre la main sur l'Apollonide. Cette déconvenue n'entame pas du tout l'admiration, l'espèce de coup de foudre cinématographique que constitue l'écriture, la mise en scène et en image de son Saint Laurent.
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