On devrait imaginer une nouvelle catégorie de délits.
Après le civil, le pénal, le criminel, on devrait pouvoir caractériser le crime artistique, réservé aux producteurs, traducteurs, scénaristes, et toute autre catégorie socio-professionnelle intervenant de près ou de loin autour d'une oeuvre.
Si le plagiat ou le faux et l'usage de faux est monnaie courante dans la profession (scénario biaisé, émotions feintes…) "le port de la drogue" pourrait figurer au top 10 de la rubrique "détournement de fond".
Car évidemment, si vous regardez le film comme il se doit (en VO) et n'en connaissez que le titre français, vous ne comprenez pas le rapport: pas de port (le héros habite au bord de l'eau certes mais pas d'image de port) et surtout aucune mention d'une quelconque drogue.
Intriguant.
On connait la propension qu'ont les traducteurs à trouver les idées les plus laides et lointaines de l'original mais là quand même, ça pousse le bouchon un peu loin.
De fait, l'idée vient des distributeurs français. En 1952, si l'anti-communisme viscéral bat son plein aux States, il est loin d'être hors-normes chez nous, puisque le parti vient d'atteindre les 25,5% de votes aux législatives de 51. D'ou cette idée que le film ne pourra pas avoir de succès s'il heurte un quart de la population et que, donc, l'histoire doit être adaptée.
Rien de plus simple: comme le film tourne autour d'un microfilm (dont l'usage n'est pas très clair dans l'original), ce dernier deviendra le support de la formule chimique pour obtenir de la poudre blanche.
Royal, non ? Un bonus présent dans le DVD nous montre toutes les scènes ou "communistes", "patriotisme" sont systématiquement remplacés par "dealers" et "éthique".
Cet artifice est d'autant plus inutile (surtout lorsqu'on le revoie aujourd'hui) que le communisme n'est réellement qu'une toile de fond, même pour Fuller qui, tout anti-communiste qu'il soit, ne fait que se servir d'un thème porteur, sans en utiliser la substance. Aucune rhétorique en tout cas de la part des bad-guys qui pourraient tout aussi bien être de simples malfrats issus ou non d'une mouvance mafieuse (on sent bien une organisation derrière tout ça).
Reste une oeuvre forte, visuellement splendide, à la distribution irréprochable et aux nombreuses scènes fortes ou la violence crue le dispute à une noirceur sans affect, si ce n'était cette toute fin qui détone un poil.
Et puis il y a Jean Peters.
Un regard de cette brune incandescente et je m'enfonce de 10cm dans mon fauteuil, ce qui explique que, à la fin d'un film comme celui-ci, j'ai fini dans les fondations de la maison. La langue pendante.
Même abimé, maltraité et rapiécé (salaud de Widmark qui commence par lui allonger une droite de toutes ses forces), je suis tombé amoureux de ce Jean.