D'abord Doillon est un directeur d'acteurs hors pair. Ce qui lui permet d'écrire des choses qu'on ne peut voir nulle part ailleurs, même Pialat n'avait pas ce sens de la corde raide, de foncer dans un précipice tête baissée... car si tout est écrit peut-être, il y a une confiance dans l'acteur et un rapport avec lui d'une qualité unique. Avec les enfants, cela atteint même une humanité vibrante : ici la scène avec la petite Kim et il suffit de se rappeler Ponette ou la Drôlesse.
Mais retour à ce Premier venu : personnage principal entêté, obstiné à l'image du réalisateur sans doute. Le film et les scènes sont souvent abordées sans préambules, laissant de côté le ménagement dû en général au spectateur; on ne s'en plaindra pas: l'avantage étant une qualité de captation brute qui est justement ce que semble rechercher et trouver Doillon. Le scénario est comme la méthode, sur une corde raide et cela est réjouissant de fraîcheur. On peut y voir les effets de l'état amoureux à l'état presque brut, avec juste la stylisation qu'il faut pour que cela soit d'une décence irréprochable.
Directeur d'acteurs et aussi choix; Thomassin et son père sont "incopiables" ou alors il faudrait le génie d'un Michel Simon, lui-même incopiable...
Cet enlèvement que Doillon use comme d'un fond presque sans importance, ce goût de la situation inextricable sont souvent assez jubilatoires. Pourquoi est-ce que j'oublie Doillon lorsque je pense aux grands réalisateurs? Peut-être à cause de toutes ses qualités ci-dessus cités qui sont telles qu'elles en couvrent d'autres nécessaires à des films plus équilibrés comme on est habitué?
En tout cas, ça fait du bien par où ça passe. Et puis, il ne faut pas oublier cette malice dans ce rapport à la souffrance et aux situations désespérées. Doillon n'est pas dupe de lui-même et est très conscient du jeu qu'il mène avec le spectateur: la dernière réplique en est un très bon exemple.