Ce soir, Vincent et Anna Larchet (Patrick Bruel et Edith El Zein) sont reçus par la sœur de Vincent et son mari (Valérie Benguigui et Charles Berling), qui ont également invités leur ami d’enfance Claude (Guillaume de Tonquédec). Tout ce petit monde s’entend très bien et la soirée s’annonce chaleureuse. Enfin, jusqu’au moment où Vincent annonce le prénom que lui et sa femme comptent donner à leur futur fils…
Au milieu de l’océan de paresse et de médiocrité que constitue le cinéma français contemporain, il arrive que l’on découvre une perle. C’est le cas avec le film de Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière, adaptation de leur pièce de théâtre pour le grand écran. En effet, Le Prénom est une comédie comme on croyait ne plus en voir, qui s’appuie sur des dialogues savamment écrits, un casting excellent et un scénario diaboliquement cruel, décortiquant l’esprit et le comportement humain avec une justesse effrayante.
Car derrière la comédie hilarante à laquelle on assiste durant la première moitié du film se cache une tragédie humaine, qui se développe dans une seconde partie où les auteurs ont l’intelligence, pour éviter à leur intrigue de tourner en rond, de tirer leur pièce vers le drame, introduisant une émotion à laquelle rien ne nous avait préparé. En effet, l’engueulade générale à laquelle vire cette réunion d’amis met à nu les souffrances de chacun des cinq invités, et dès lors, c'est clairement le drame qui prédomine, lorsque la vérité monte à la surface et que l’énervement brise les non-dits, révélant les vrais sentiments des uns pour les autres et autres secrets plus inavouables.
Ce faisant, Delaporte et de la Patellière se livrent à une dissection glaçante des caractères, nous offrant une satire sociale qui tape juste à chaque réplique. Il devient en effet impossible pour le spectateur de ne pas penser à son entourage à un moment ou à un autre devant ces personnages habilement écrits : le gauchiste qui devient un dictateur dès que l’on touche un sujet sensible, le blagueur compulsif, droitiste qui aime titiller les limites et ne sait jamais quand s’arrêter, l’homme discret qui veut toujours rester neutre dans le débat, la femme qui fait le service et qu’on en vient à traiter comme une bonne, les gens soi-disant « ouverts d’esprit » dont la tolérance s’avère n’être qu’une façade
(brillante scène où tous se montrent prêts à accepter que Claude soit homosexuel, mais surtout pas qu’il soit amoureux d’une femme de 30 ans de plus que lui, surtout s’il s’agit de la mère de Vincent et Elisabeth), etc…
Si l’on sait gré aux auteurs/réalisateurs de nous émouvoir et de nous faire profondément réfléchir là où l’on ne s’y attendait pas, cette division entre première moitié comique et deuxième moitié dramatique brise toutefois trop le rythme du film, d’autant que la réception se termine sur une quasi-impasse et qu'une ellipse temporelle nous mène à
un happy end, qui paraît d’autant plus artificiel que l’on a presque pas assisté à la réconciliation entre les différents personnages (sauf entre Vincent et Pierre, son beau-frère).
Le Prénom n’en reste pas moins une œuvre forte, beaucoup plus profonde qu’il n’y paraît, qui réussit le tour de force de nous faire hurler de rire et de nous émouvoir successivement, tout en nous faisant réfléchir sur cette société dans laquelle nous vivons, dont le film donne une vision peu reluisante, mais cruellement juste. Et à l’issue de ce film, on se dit qu’il serait vraiment temps de commencer à essayer de changer...