Inégal mais ne manque pas de qualités

“Le Prince et le pauvre” est l’adaptation d’un roman de Mark Twain , devenu un petit classique, qui avait déjà donné lieu à un film réalisé par William Keighley en 1937 avec Errol Flynn.

Il est manifeste que les producteurs ont voulu surfer sur le succès des films de Richard Lester, “Les Trois Mousquetaires” et sa suite “On l’appelait Milady” qui avaient explosé le box-office aux États-Unis et en Europe. Il s’agit donc, comme souvent pour Richard Fleischer, d’un film de commande.

Il faut bien dire que “Le Prince et le pauvre” est franchement anachronique et désuet pour un film sorti en 1978 , juste entre “Les Dents de la mer” et “La Guerre des étoiles”, films bien plus novateurs malgré leur caractère de grosse production. L’affaire se soldera donc par un four ce qui est regrettable car, malgré son caractère désuet et son style extrêmement classique, le film ne manque pas de qualités.

Il y a déjà un casting assez royal et, même si le film est un peu découpé en séquences où chacun vient, tour à tour, faire son petit numéro avec un peu de cabotinage, le plaisir dû à la qualité du jeu de tous ces grands acteurs reste intact. Oliver Reed se distingue ici particulièrement, même s’il souvent, comme à son habitude, en roue libre,

Le bémol dans ce superbe casting, bémol qui est de taille, c’est hélas l’acteur qui interprète à la fois le prince et le pauvre, donc la tête d’affiche présente dans toutes les scènes du film. Mark Lester est franchement insupportable et l’on aurait surtout envie de lui donner des claques plutôt que de compatir à ses malheurs, d’autant plus qu’il a autant de charisme qu’une huître. Richard Fleischer, à qui les producteurs l’ont imposé, avoue ne pas avoir réussi à l’éviter.

Par ailleurs, sous couvert d’un divertissement grand public, le film n’en aborde pas moins des thèmes intéressants. Ainsi le prince, tout comme le pauvre, ne cessent de dire la vérité et personne ne les croit, alors que le frère félon du prince ne cesse de mentir et est cru par tout le monde. Surtout, Fleischer, comme à son habitude, ne peut s’empêcher de glisser quelques considérations désabusées sur l’ordre politique des choses et, sous le divertissement, laisse transparaitre la lutte des classes. Le summum est atteint dans le stupéfiant épilogue final qui succède au happy end de rigueur dans ce genre de film. Il est d’autant plus étonnant qu’il est mis en scène, de manière très enlevée et joyeuse, alors que son fond, mélancolique et désabusé, nous annonce un avenir peu reluisant pour les principaux personnages !

Enfin, le film bénéficie d’une superbe photographie du grand Jack Cardiff et, malgré son style très classique, comporte de nombreuses scènes d’action, filmées caméra à l’épaule, d’une étonnante modernité.

Le film est édité en combo blu-ray/DVD par Studio Canal, collection « Make my day ! ».