Une comédie musicale soviétique, ça vend du rêve, non? Surtout quand on vu Volga Volga, du même Grigori Aleksandrov, "amant intéressant" (comme dirait paul_labrador) de Einsenstein.
Volga Volga, c'était le délire, la joie soviétique pure, l'apologie du régime. Un monde enchanté, et le film préféré de Staline.

Ici, Aleksandrov peine un peu. Trop long. Et puis, ça n'est pas une vraie comédie musicale. L'unique chanson ("Les ruisseaux chantent"; je ne connais guère le russe, et à chantonner ça doit faire un truc du genre "Proutcha proutchi") n'y suffit pas.

Ceci dit, des moments réjouissants, et qu'on regrette de ne pas voir durer. Le film repose sur un quiproquo tortueux, mais digeste. Un cinéaste désire tourner un film sur une savante froide et repoussante (surnommée le "hareng séché"). Il choisit une actrice de music-hall qui lui ressemble étrangement (c'est la même actrice, banane!). Les choses se compliquent quand la savante en question décide d'aller faire un tour sur les plateaux (elle se fait donc passer pour l'actrice qui joue son rôle, attention), constate que son personnage, à l'écran, est vraiment pourri, et reprend les choses en main, en conduisant le cinéaste à réécrire le scénario.

Parce que les savants ne sont pas des harengs séchés. Ils vivent, respirent, écoutent, et œuvrent pour la grandeur de la nation russe.

Au passage, ils découvrent que le cinéma, c'est vraiment très très intéressant. "Fascinant" décrète même la savante, en visitant incognito les studios, et en déambulant de plateau en plateau. Le cinéma, c'est ça, affirment-ils tous en choeur: des jolies histoires sans lesquelles le monde s'empoussièrerait (citation de Gogol à l'appui). Bien sûr, on n'allait pas laisser se finir tout cela sans une petite amourette. Faut-il le dire? La savante+ le cinéaste, l'actrice+un mec dont on se fout un peu, je crois qu'il est journaliste.

J'hésite donc. Le printemps n'est certes pas une parabole sur le cinéma. On a toutefois, ça et là, des petites touches de fraîcheur qui donnent un peu d'allant au tout. Ce plan final, par exemple, où les deux femmes se fondent, par les mystères du montage, en une seule. L'actrice, Orlova Lioubov quitte alors la scène au bras des deux héros. Ils sont redevenus acteurs et actrices, en 1947. La caméra se tourne vers nous, et le cinéaste crie, d'un ton sobre "Coupez". Ça n'est pas grand chose, et c'est déjà vu, mais c'est un mélange de maladresse et de malice qui touche.

Et l'on regrette qu'un plus grand cinéaste n'ait pas pris le bébé. Avec du peps, un montage plus sec, plus nerveux et audacieux, on sauvait le film.

A retenir, donc : les sourires de l'héroïne (quand la savante se décoince, on a chaud au coeur), les scènes de studios, et la grandeur de l'appareil cinéma chez les Soviets, tout en poulies et grues. Il y aussi la chanson Proutcha Proutchi, qu'il aurait fallu intégrer dans un univers plus personnel pour qu'elle fasse vraiment mouche.

En attendant, courez vous plonger dans le courant de la Volga Volga.
Hélice
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le 6 mars 2011

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