En voilà un film étrange. Pas par ce qu’il nous raconte, ni par son sujet plutôt trivial qui ne propose rien qui ne l’ait déjà été par le passé (malgré cette sempiternelle caution « inspiré de faits réels) ni même par son esthétique et sa facture visuelle ou par des zones d’ombres narratives ou morales... Non, ce ressenti est plus difficile à déterminer ici mais se vérifie de manière de plus en plus évidente plus les minutes passent. En effet, il se matérialise d’abord par les multiples ruptures de ton et par des choix de mise en scène plutôt hasardeux. Mais, surtout, ce qui rend « God is a bullet » particulier tient davantage à cette alternance, voire ce grand écart perpétuel, entre un suspense dramatique et romantique de belle tenue doté de séquences fortes avec d’autres complètement ratées ou réussie mais en décalage le faisant ressembler à une série B foireuse ou à une série Z bête mais jubilatoire.
Peut-être que cela correspond à la psyché de son réalisateur que l’on pourrait taxer de revenant. Nick Cassavetes, fils de, avait en effet débuté sa carrière d’une jolie façon à la fin des années 90 avec « She’s so lovely ». Puis il avait enchaîné avec un quartet d’œuvres dans les années 2000 entre le drame et le polar qui avaient plutôt bien fonctionné avec la critique ou le public selon le long-métrage : dans l’ordre de sortie, « John Q », le culte pour beaucoup « N’oublie jamais », « Alpha Dog » et « Ma vie pour la tienne ». Puis hormis la comédie ratée « Triple alliance » en 2014, rien. La traversée du désert. Avec « God is a bullet » il revient donc aux affaires dix ans après avec cet obscur objet sorti directement en VOD et tiré d’un bouquin, lui-même inspiré d’une historie vraie. Vu le résultat, on sent de nombreuses libertés prises avec la réalité. On sent clairement que beaucoup de choses ne fonctionnent pas dans le film ou, quand on est cinéphile, à des choix de toutes sortes quelques peu discutables d’où surnagent des moments de grâce.
Si le début commence comme un banal film de traque et de vengeance en milieu hostile (en l’occurrence ici un père qui recherche sa fille kidnappée par une secte gothique et violente), il se laisse regarder mais laisse déjà dubitatif sur pas mal de points. Le montage est très chaotique entre coupures de séquences au mauvais moment, ellipses foireuses et l’impression qu’il manque des scènes oubliées sur la table de montage. On a aussi le sentiment qu’il y a quelques invraisemblances parfois grossières (notamment concernant la quasi invincibilité de notre petit shérif de bureau qui devient un vengeur plein de ressources). Mais on hallucine un peu dans la seconde partie quand viennent les séquences violentes. Celles-ci sont à la fois très brutales et graphiques mais paradoxalement aussi bien faites et impressionnantes. Elles emmènent même le film ailleurs, rompant avec le sérieux du début pour nous plonger dans une sorte de vieille série B bourrine des années 80 ou dans un navet fou comme les affectionne Nicolas Cage depuis dix ans. Cassavetes se lâche mais semble changer de film.
Et ce n’est pas fini : dans cette seconde partie, on a le droit à des scènes de discussions philosophiques et morales pertinentes et passionnantes mais surtout à un virage romantique et passionnel entre les personnages principaux qui vaut à « God is a bullet » ses meilleurs moments. Magnétique et envoûtants, on dirait du Terrence Malick perdu dans un film anonyme. Dans ces instants, c’est la révélation de « It follows », Maïka Monroe, qui impressionne en junkie repentie : elle irradie le film et livre une composition pas facile mais incandescente qui tire le film vers le haut. Bref, un long-métrage inclassable et qui alterne l’excellence, la bizarrerie et la banalité avec un aplomb étonnant mais probablement involontaire.
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