Running man
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Le prix du danger, film d'anticipation franco-yougoslave sorti en 1983, réalisé par Yves Boisset n’a pas pris une ride, tant s’en faut. Le film s’inspire d’une nouvelle de Robert Sheckley, The Prize of Peril, publiée en 1958.
Dans un futur proche, un jeu télévisé intitulé Le Prix du danger fait fureur. Les règles sont simples : un homme doit parvenir à rejoindre un endroit secret, en échappant à cinq traqueurs chargés de le tuer. Si le candidat gagne, il se voit attribuer la somme de 1 million de dollars, ce qui n'est encore jamais arrivé... Le tout se déroule en pleine ville, filmé et retransmis en direct sur la chaîne de télévision CTV. François Jacquemard, un jeune chômeur, veut sortir de son quotidien morose et malgré les réticences de sa compagne, Marianne, décide de participer au jeu.
Le rôle principal fut initialement proposé à Patrick Dewaere mais il ne le joua pas, l'acteur mit fin à ses jours quelques mois avant le début du tournage.
Toutefois, Gérard Lanvin met toute son énergie dévastatrice et bienfaisante, sa beauté et son insolence au service d’une interprétation du jeune concurrent, plus qu’éclatante.
Michel Piccoli, éblouissant, campe un animateur télé obséquieux, bling-bling jusqu’à la nausée et terrifiant de professionnalisme : une prouesse d’acteur...
Marie-France Pisier est une assistante de production hors pair, magnifique actrice, ambiguë et vénéneuse à souhait, dévorée d’ambition mais néanmoins rongée par les scrupules, elle nous montre un sourire carnassier et ses flamboyantes canines arracheraient presque la moquette du bureau de son PDG interprété par un implacable et glacial Bruno Cremer également excellent dans ce rôle.
Gabrielle Lazure, incarne la lumineuse fiancée de François Jacquemard / Gérard Lanvin, le "héros" de ce jeu de télé-réalité, bien décidé à empocher la cagnotte, cagnotte mirage, récompense miroir aux alouettes qui pourrait enfin sortir son couple du chômage, d’une vie étriquée, sans rêves... bref, de la précarité, pense-t-il. En effet, cette fiancée aux yeux si clairs symbolise une sorte de conscience, comme un Jiminy Cricket pour celui qu’elle aime, elle s’efface un peu vite, à mon sens, non sans avoir auparavant claqué la porte pour ne pas assister à cette farce macabre et assourdissante, menée tambour battant pour des "téléspectateurs" qui réclament toujours davantage de ce spectacle et de ce cirque où le sang et la violence le disputent à l’obscénité mais où l’hypocrisie des paillettes et du show enrobent le tout d’un packaging hystérique et étincelant qui masque la putréfaction. Et puis, il y a tous les autres, les proies, les complices, les spectateurs fanatiques, quelques contestataires aussi, qui manifestent leur mécontentement devant la chaîne télé, ils sont menés par Élisabeth Worms, formidable Andréa Ferreol, mais sa plainte sera déboutée et classée sans suite d’un revers de main dégagé, le président de la commission ayant tranché qu’il n’y a pas plus que ça, au fond, de problème éthique...
Et bien entendu il y a également les chasseurs, les tueurs, ces messieurs et mesdames Tout-le-Monde, que la prod a sélectionnés, ils en ont toujours tellement rêvé de se balader un flingue à la main en tirant sur tout ce qui bouge... Ces poursuivants jusqu’au-boutistes et zélés, sont aussi interprétés avec beaucoup de conviction. On remarque, notamment, dans un de ces rôles, un Jean-Claude Dreyfus presque débutant.
Le prix du danger est un film d’anticipation, donc, si seulement... et on souhaiterait tellement que cela dure. C’est un film d’action aussi où l’on ne respire pas davantage que le personnage principal et ses assaillants. Boisset nous offre un pamphlet visionnaire qui préfigure, mais à mon avis qui aujourd’hui se contente de figurer le cynisme de la télé-réalité, de la télé poubelle, de la télé crime et mort en direct, de celle qui sollicite notre voyeurisme le plus abject et fait appel à nos plus bas instincts, de cette télé qui va si bien, et pour tellement bien la servir, la loi du profit, la loi du plus fort et de la méritocratie, et ce, "quoiqu’il en coûte", les concurrents du Prix du Danger étant les gladiateurs des temps modernes, ceux qui allaient mourir et saluaient bravement leur empereur. On donnait dans la Rome Antique, du pain et des jeux au peuple et ces jeux étaient des combats à mort, et dans Le prix du danger, il s’agit de faire à n’importe quel prix mais bien sûr le plus cher possible, de l’audimat, et on donne donc aux téléspectateurs tant on les méprise et les en croit avides, du meurtre et du sang.
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Créée
le 1 sept. 2024
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