Le film écrit et réalisé par Ronit Elkabetz et son frère Shlomi (déjà connus pour leur engagement sur la condition des femmes en Israël)... suit la «saga» de cinq années d’une femme israélienne à essayer d’obtenir le divorce de son mari, et à faire face à la violence psychologique des tribunaux et de leurs représentants. Composé seulement d'hommes, sortes de vieilles icônes, stoïques et plutôt raides, la mise en abîme de cette femme est portée par l'actrice, tout en subtité et finesse. S'inspirant de la vie de leur mère coiffeuse (non croyante) et de leur père, (fortement religieux), ils signent un film austère et émouvant, emprunt de drôlerie pour un thème des plus dramatiques.
La mise en scène, malgré deux heures d'un huis-clos lent, reste tendue, rythmée et on est pris très rapidement dans une sorte d'ambiance pour le moins surréaliste.
Entre modernité et tradition, le combat s'annonce rude. Avec des protagonistes impassibles et froids, le film nous plonge dans une autre dimension. La beauté brute de l'actrice, sert le personnage à merveille entre dignité et emportement. Les jeux d'expressions, de position, de regards soulignent la tension, palpable, dans le drame qui se joue. Cinq ans, en allers-retours, en pourparlers…chacune des séquences est entrecoupée d'un texte signifiant le temps qui s’est écoulé depuis la dernière audience.../...
Des situations absurdes, de franchise exacerbée pour des épouses amenées à comparaître qui en profiteront pour se faire entendre (ou pas) ! et des personnages hauts en couleur pour ces interventions de « Témoins », grands moments de drôlerie, tant la mauvaise foi appuie certains témoignages pour sauver les traditions, et où les dialogues se perdent en conjectures, visant plutôt à sauver le foyer, avec l’injonction du « shalom beit ». Car le mariage concerne tout le monde, du mari en passant par les belles-mères, les amis et les voisins et plus rarement l'épouse !
Menashe Noy, (avocat de Viviane) et Sasson Gabai, (avocat d'Elisha) s'expriment par un jeu théâtral où les joutes verbales n'ont de cesse de rebondir sans temps-mort en regard des plans de caméra allant des uns aux autres, rajoutant à la subjectivité du propos, ne filmant que le personnage qui s'exprime. Les rabbins, Rami Danon, Eli Gorenstein et Roberto Pollack, quant à eux, expriment assez bien leurs décalages, n'écoutant qu'à moitié, semblant enclins à comprendre, laissant la parole pour pouvoir justifier de la demande de divorce...pour finir constamment par un retour en arrière, où tout sera discuté hormis le sujet principal. Et pour finir exactement comme cela a commencé, ou tout l'art de faire du « sur-place ».
Le mari, Elisha joué par Simon Abkarian, est lui aussi excellent, tout autant hautain que perdu par ce coup du sort, l'acteur retranscrit parfaitement le comportement du mari, aimant mais incapable de communication, pris dans le cercle de la société patriarcale et des apparences. D'ailleurs, on remarquera la procédure incroyable du divorce et tout ce qu'elle impliquera du refus – évident - du mari, qui a déjà bien du mal avec l'idée.
Le procès de Viviane Amsallem » a remporté le prix du meilleur film à la cérémonie des Ophirs. récompense cinématographique en Israël. Un premier opus « prendre femme » et le second « les 7 jours » complètent la trilogie qui aura été tournée en 12 ans.
Un documentaire datant de 2005 dresse un portrait édifiant des procédures vouées à l'échec pour ces femmes, qui même vivant seules et du fait de leur époux, n'obtiennent que rarement voire jamais le divorce. Plusieurs lois ont été envisagées, vite reléguées sous couvert de la perte d'identité du peuple juif. Seuls les Rabbins peuvent prononcer un mariage et sa dissolution...en accord avec le mari, qui si celui-ci accepte, prendra d'ailleurs la forme d'une « répudiation ».
Le cinéma des Elkabetz est un cinéma engagé, pour toutes les femmes et tous les hommes en souffrance face à une société qui n'évolue pas et continue de refuser le mariage civile, et la liberté du choix. Il ne s'agit pas tant de faire le procès d'une société archaïque que de poser un constat simple et limpide.
Une scène résume bien l'ensemble : celle où Viviane se défait les cheveux. De ce simple geste, un des rabbins l'intimera à se reprendre. Entre fantasme et tentation, les cinéastes rappellent que le corps des femmes ne leur appartiennent pas et filmer par le huis-clos, révèle aussi fortement le sentiment d'enfermement de l'épouse. Car pour vivre libre, elle doit se justifier. Se séparer parce que l'on ne s'entend pas, ne rentre pas dans les considérations acceptables...
Tout autant un vrai plaisir de cinéma qu'un message édifiant et nécessaire.