Âpre et radical
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Voilà un film qui porte bien son nom : Cédric Kahn ne nous laisse pas sortir de la salle d'audience, où l'on va suivre toutes les étapes du procès de Pierre Goldman, gangster bien connu et revendiqué accusé de la mort de deux pharmaciennes à Paris dans un braquage à main armée pour lequel il prétend être innocent. L'écriture est serrée, ne laissant pas un seul mot au hasard : les coups de gueule de Pierre Goldman, les coups de maître de ses avocats, les coups bas de son accusateur, les coups fourbes de certains témoins, tout est réglé dans les dialogues pour que cela soit précis et juste.
Serrée aussi est la caméra, qui ne laisse rien passer des expressions des différents personnages, du trouble qui les envahit au fur et à mesure de leur témoignage à la barre... L'image est nette, froide, baignée d'une lumière blanche et sans concession. La couleur ici tâche de ne revêtir aucun filtre, d'être aussi crue que possible, tâchant de faire la lumière sur cette affaire trouble où décidément, on ne sait si Pierre Goldman est coupable ou innocent.
Le film retrace fort bien par ailleurs l'ambiance électrique du mitan des années 1970, partagée entre une gauche intellectuelle qui prend fait et cause pour Goldman, sulfureux bandit révolutionnaire issu de parents juifs polonais, et certaines forces notamment policières et judiciaires au racisme et à l'antisémitisme latents. Tout cela forme l'image d'un monde aux mentalités que l'on croit anciennes et révolues, mais qui trouve hélas des résonances actuelles.
Il me faut cependant indiquer des réserves à plusieurs titres : tout d'abord, le jeu terrifiant d'Arthur Harrari, qui incarne Georges Kiejman, l'avocat de Pierre Goldman. Il parle à une vitesse extraordinairement rapide, mangeant bien souvent ses mots, expédiant la réplique comme s'il fallait qu'il s'en débarrasse. Cette diction déplorable dérange et agace : ainsi, le charisme supposé de Kiejman fond comme neige au soleil. L'avocat devient en quelque sorte le faire-valoir de son flamboyant client, charismatique quant à lui - Arieh Worthalter est beaucoup plus juste, presque impeccable dans son interprétation du brillant et complexe accusé.
Ensuite, autre réserve, et non des moindres, la trop grande écriture des dialogues : les personnages bien souvent parlent comme des livres ouverts, dans une langue parfaite et riche, sans une hésitation... Certes l'éloquence, certes la rhétorique, certes le verbe sont sanctifiés dans une cour de justice, mais ce verbe émane avant tout d'êtres de chair et de sang, il vibre, quitte à malmener un peu la pureté sémantique et grammaticale. Il est fort regrettable que de ce soin de la langue française découle de fait une parole raide, froide, artificiellement belle.
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le 27 sept. 2023
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