Philippe Muyl ? A la réalisation d’un film chinois ? Passé l’étonnement à la vue du nom du réalisateur du Promeneur d’oiseau, et après avoir remarqué qu’il s’agissait d’une coproduction sino-française, beaucoup ont dû se poser des questions. Pourquoi le réalisateur du Papillon est allé faire un film chinois ? Il y a deux raisons à cela : la première, et la plus singulière, c’est que Le Papillon, comédie dramatique sortie en 2002 avec Michel Serrault dans le rôle-titre, est l’objet d’un véritable culte en Chine. En effet, car si le film n’a jamais été exploité commercialement dans l’Empire du milieu, le piratage et Internet (l’un des seuls moyens de découvrir des films étrangers en Chine) et un bouche-à-oreille certain ont donné au film de Philippe Muyl une aura qu’il n’a jamais connu en France. La chanson du générique est devenue très célèbre et a fait l’objet d’une véritable mode. La deuxième raison c’est que, si vous ne le saviez pas encore, un traité a été signé en 2010 entre la Chine et la France visant à la coproduction d’œuvres cinématographiques : Lao Wai de Fabien Gaillard et Le Totem du loup de Jean-Jacques Annaud en ont eux aussi bénéficié.
A l’origine, Le Promeneur d’oiseau devait être un remake du Papillon, mais dû à l’absence de symbolique de l’insecte en Chine, il a été remplacé par un oiseau, le huan mei – de fils en aiguilles, le projet a été totalement réécrit. Plusieurs années de repérage plus tard, le film de Muyl sort dans nos salles. Les similitudes avec Le Papillon sautent rapidement aux yeux : s’il fallait résumer les deux films en une ou deux phrases, elles seraient probablement presque identiques. Mais si Le Papillon était relativement anecdotique car au final bien commun pour le spectateur français, Le Promeneur d’oiseau se révèle rapidement une véritable aventure exotique. Les paysages sont magnifiques, et Muyl (ainsi que son chef op chinois) savent les capter à merveille. C’est beau, c’est apaisant, transformant ce road movie classique en véritable plongée dans la beauté naturelle du paysage chinois.
Et ça nous fait d’autant plus regretter l’absence d’originalité du Promeneur d’oiseau. Les acteurs sont très convaincants, Muyl s’est fait suffisamment conseiller pour ne pas commettre de grossières erreurs dans les mœurs chinoises, et la mise en scène est indéniablement très réussie. C’est certain que cette façon de filmer la Chine tranche véritablement avec le cinéma engagé des Jia Zhang Ke et comparses, mais elle apporte son lot de fraicheur, une façon d’aborder les émotions et la mise en scène (très posée) qu’on ne voit que trop rarement dans le cinéma chinois – d’où l’intérêt de la coproduction.
A défaut d’être inoubliable, Le Promeneur d’oiseau est une réussite formelle irréfutable. Outre la maîtrise technique de l’ensemble, l’apport de savoir-faire des deux « cinéma » très différents (la Chine et la France) donne une singularité à une production qui serait autrement tombée dans le déjà-vu. En surpassant par la même occasion son aîné, Le Papillon, Le Promeneur d’oiseau est un film abouti qui ravira les amateurs d’émotions facile et d’environnements dépaysant. Une aventure humaine touchante et rafraîchissante.