Ce film a fait l'effet d'une grenade offensive aux ados qui ont eu la chance de le voir à la tv à la fin des 70s ou au tout début 80, un mardi soir, sur la 3ème chaîne. A l'époque on s'embêtait tellement, entre asphyxie scolaire et familiale, que les westerns du mardi étaient une parenthèse divine. Notre regard serait peut-être différent aujourd'hui, mais je me souviens que les films proposés avaient tous été un peu coulés dans le même moule. Cela restait plaisant et on se contentait de ce ronronnement , car il n'y avait rien d'autre. Et là vint "The raid"...Le film est très malin puisqu'il débute comme un western de série B "old school", tourné sans un éclat dans un entrepôt. Donc on n'aura pas cette fois de paysages grandioses et de souffle lyrique mais plutôt des incohérences, notamment une meute de chiens aux trousses du groupe de Sudistes évadés qui disparait comme par enchantement. On va mettre ça sur le compte d'une ration de Canigou frelatée. Puis le film bifurque vers une sorte de pièce de théâtre qui raconte l'irruption des Sudistes, déguisés en simples civils, dans une ville du Nord, et les rapports qu'ils nouent avec ses habitants, sur fond d'hostilité cachée. Car les évadés sont avant tout des soldats. Et la mission d'un soldat est de détruire son adversaire. La richesse du film et sa complexité se révèlent dans cette tension entre, d'une part, les liens qui se nouent peu à peu entre les villageois nordistes et ces curieux étrangers, et d'autre part, la mission secrète des confédérés qui consiste à détruire cette communauté pourtant accueillante. De la première à la dernière minute, le film progresse en intensité, change de nature, nous mène en bateau dans une histoire qui devient autre. Les masques tombent, les points de vue changent, et tout est surprenant. Le film nous laisse sur nos interrogations. Il y a 40 ans comme aujourd'hui cela reste un petit bijou.