Démoniaque
Robert Wise n'est qu'un tout jeune metteur en scène lorsqu'il se voit confier par Val Lewton, producteur phare du cinéma fantastique et horreur des années 1940, l'adaptation d'une nouvelle de Robert...
le 25 mars 2019
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J'avais vu la première fois ce film dans un petit cinéma de quartier de ma ville, lors d'un cycle fantastique ; le revoir après tant d'années m'a replongé dans une époque où je voyais beaucoup de films dans ces conditions. Je l'avais (mal) noté de mémoire en arrivant sur SC, je le remonte à 7/10.
Il s'agit d'un conte d'horreur basé sur un fait réel, mais adapté d'une nouvelle de Robert Stevenson ("the Body snatcher") écrite en 1883, traduite en français en 1938 sous le titre "le Déterreur de cadavres". Un tel titre déja, vous met dans une ambiance à laquelle on s'attend à frémir un peu (du moins, si on voit le film avec une jeune personne émotive). La chaîne TCM l'a diffusé en replay sous le titre les Profanateurs de sépultures, titre qui fut parfois utilisé, rappelant un célèbre film de Don Siegel, mais impropre car le titre anglais the Body snatcher se traduit par "les voleurs de cadavres" ; le second titre français le Récupérateur de cadavres est donc plus juste.
C'est une production de Val Lewton, producteur mythique des années 40, qui dirigeait le département horreur de la RKO ; on lui doit notamment des films comme la Féline, Vaudou et Leopard Man (3 classiques de Jacques Tourneur), et il venait de produire la Malédiction des hommes-chats en 1944, précédent film de Robert Wise qui se présentait comme une sorte de fausse suite de la Féline. A cette époque, bien avant ses grands films, Wise oeuvrait dans l'épouvante à petit budget, le Récupérateur de cadavres étant son troisième film, où malgré ses débuts, il fait déja preuve d'une certaine maîtrise. Ce n'est guère étonnant quand on sait qu'il a touché à tous les genres : aventure (Destination Gobi), guerre (les Rats du désert), science-fiction (le Jour où la Terre s'arrêta), drame (Nous avons gagné ce soir), péplum (Hélène de Troie), film noir (le Coup de l'escalier), western (la Loi de la prairie), fantastique (la Maison du diable), musical (West Side Story)... je crois que peu d'autres cinéastes hollywoodiens n'ont été plus éclectiques, à part peut-être Howard Hawks et Richard Thorpe.
En 78 mn, Wise raconte une histoire morbide de médecin peu regardant sur la façon dont proviennent les cadavres frais pour ses cours d'anatomie, et qui a passé une sorte de pacte avec le diable en la personne d'un cocher diabolique ; le médecin rongé par ses démons a pas mal de points communs avec le Dr Frankenstein. Il est incarné par Henry Daniell qui n'est pourtant pas en vedette sur l'affiche, la RKO ayant préféré les noms plus parlants de Boris Karloff et de Bela Lugosi, mais Daniell est bien co-star avec Karloff qui livre ici un de ses meilleurs rôles. La photo en noir & blanc éclaire son visage par en dessous, ce qui donne un rendu effrayant de sa tête, accentués par sa diction et son sourire machiavéliques. Quant à Lugosi, il n'est utilisé que comme un second rôle de luxe, il retrouvait Karloff qu'il avait côtoyé dans le Fils de Frankenstein en 1939.
Wise filme tout ça dans une évidente ambiance fantastique et sombre, en exploitant le style des films d'épouvante de la Universal avec un éclairage diffus, des ombres, des lieux obscurs, et un certain expressionnisme (alors que je le rappelle, on est chez RKO) ; toute l'efficacité tient à l'interprétation de Karloff et Daniell, et à cette ambiance macabre et nocturne de cimetières dans une Ecosse mystérieuse. Malgré une touche de film bavard par endroits, nous avons là une petite pépite du cinéma fantastique des années 40.
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Créée
le 5 avr. 2024
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