1895-1995 : un Siècle de Mort au travail, Siècle au sortir duquel le regretté Theo Angelopoulos réalise Le Regard d'Ulysse, chef d'oeuvre et synthèse probable de son Cinéma.
Philosophiquement dense, techniquement sublime et sophistiquée cette épopée passéiste parfaitement évocatrice du caractère sacré du patrimoine du Septième Art glisse tranquillement mais sûrement vers les chemins d'un bouleversant pèlerinage, parcours de la figure incarnée par l'étonnant Harvey Keitel.
A la croisée du reportage de guerre et du document historique nostalgique et désenchanté Le Regard d'Ulysse est pourtant une Oeuvre de pure mise en scène. De la même façon que dans l'impressionnant Voyage des Comédiens Angelopoulos brouille les frontières temporelles au coeur d'un seul et même plan-séquence, parvenant à confondre passé et présent tout en effaçant modestement et brillamment sa technique ; on retrouve par ailleurs certaines figures jalonnant son Cinéma, notamment les enfants perdus des Paysages dans le Brouillard ou encore les réflexions géopolitiques du Pas Suspendu de la Cigogne - autre film de frontières aux résonances pathétiques...
Entre des images resplendissantes jouant avec la nature des éléments et une texture granuleuse proprement attractive, la composition élégiaque de la musicienne-fétiche de Theo Angelopoulos ( Eleni Karaindrou ) et la précieuse présence de Erland Josephson dans le rôle du conservateur au destin tragique Le Regard d'Ulysse est un morceau de cinéma formellement très abouti, rappelant les élégies sokouroviennes et leur gravité contemplative. Une pièce maîtresse unique et hors-normes tout à fait représentative de l'Oeuvre de Angelopoulos à voir et à vivre absolument pour mieux l'intégrer in fine. Sublime.