Quelque part en Grèce, sous un ciel noir enveloppé des lumières blafardes émanant des lampadaires d'une ville grise dans laquelle de mystérieux mouvements de foule se déroulent marche un homme dont le but est de mettre la main sur des négatifs de films considérés comme perdus. La démarche du Regard d'Ulysse est clairement défini comme un acte d'amour offert au Septième Art. Bravant les kilomètres se comptant par milliers et à affronter les dangers de la sanglante guerre (pléonasme) de Yougoslavie, l'amoureux du cinéma voit sa tâche professionnelle comme un parcours initiatique le confrontant à son passé, ses propres choix de vie et bien sûr à sa passion. Il n'a pas peur de la mort et de l'éternité car son but est d'accéder au film oublié.
Ce n'est guère étonnant que cette métaphore ait tant touchée le coeur de nombreux cinéphiles subjugués par cette passion démonstrative de Harvey Keitel prêts à endurer mille tourments de son départ de la Grèce pour sombrer dans un conflit qui ne le concerne pas car seul voir le film est sa priorité numéro une, et même sa seule en fin de compte. Mais à quel prix, cette course effrénée n'aura pour lui qu'une glaciale finalité. L'oeuvre est éternelle, pas l'Homme et visionnant en pleurs un écran blanc, comme si tout ce qu'il avait fait n'avait servi à rien si ce n'est accumuler les disparitions de personnages qui l'auront aidé dans sa tâche, il prend conscience de son acte vain.
Le Regard d'Ulysse avait tout sur le papier pour devenir mon dernier joyau en date et merde avec quel arrière-goût je sortais d'une séance qui me déçut par certains choix pris par son auteur. Tout d'abord, le film est bien trop long. Secundo, les réminiscences de Keitel qui voit sa famille ne touchent pas et on se demande même leur intérêt. Tertio, ces amours passagers mis en scène comme un mauvais Mervyn LeRoy (intense moment de malaise vis-à-vis de sa romance avec l'historienne à lunettes). Trois points négatifs qui m'ont fait sortir à plusieurs reprises de la séance. Le Regard d'Ulysse sera peut-être un film qui se bonifiera avec le temps dans mon esprit mais la désillusion fut telle que je ne suis pas convaincu.