Livrant une pellicule passionnée et sans concession, Karim Ouelhaj, cinéaste liégeois, frappe juste avec son nouveau film, le Repas du singe. Engagé socialement, nous avons affaire ici à un film anti-drogues. Réaliste et fort.
Nadia, la trentaine, tente d’échapper à un quotidien morose par la prise de drogues, tandis que Sophie, d’environ le même âge, tente de se réfugier pour les mêmes raisons dans des relations qui, au final, ne durent jamais très longtemps. Ensemble, elles décident de commencer à vivre plutôt que survivre, mais tous les moyens ne sont pas bons pour y arriver. Surtout lorsqu’on tente d’échapper à certains milieux…
Globalement, l’atmosphère de ce film en noir et blanc, s’avère être à la fois planante et tendue. Nous sommes face à des personnages à l’âme blessée qui n’ont de cesse de fuir les tensions intérieures et extérieures qu’ils subissent dans leur vie de tous les jours. Cette fuite continuelle, par l’usage et la revente de produits illicites, risque bien de les mener droit dans le mur. Ce ne sont pourtant pas les avertissements qui manquent (la rencontre avec un caïd menaçant, celle avec une tapineuse ravagée par ses doses, une descente de flics…).
Karim Ouelhaj alterne les séquences âpres, brutales avec les passages beaucoup plus tendres et empreints d’humanité. On se laisse emporter par le courant ininterrompu de ce qui semble être une rivière audiovisuelle, observant la vie de personnages à la dérive et leur parcours parsemé de récifs douloureux. Qui s’en étonnera, l’embouchure est incertaine. Mais l’émotion qu’elle suscitera, quant à elle, restera bien ancrée dans nos cœurs et nos esprits.
La première œuvre de Karim Ouelhaj a déjà été chroniquée dans les pages du Poiscaille (voir Le Poiscaille n°16). Ce long-métrage, intitulé Parabola (2005), abordait avec une grande pertinence le sujet délicat de la prostitution. La deuxième, qui n’a malheureusement eu droit qu’à une projection unique sur la ville de Liège en 2010, est intitulée Frank Shinobi : An Experimental Musical Movie. Sorte de long clip d’environ une heure dix aux images et sonorités hallucinatoires, ce film totalement déjanté était basé sur des morceaux du groupe éponyme. Avec le Repas du singe, troisième œuvre du cinéaste, le sujet traité n’est plus la prostitution mais bien la toxicomanie et l’emprise des dealers. Karim Ouelhaj s’attaque décidément de front à des sujets sensibles, ce qui est, hélas, trop rare dans le paysage cinématographique belge.
(cette critique est parue dans le mensuel satirique liégeois "Le Poiscaille" de septembre 2013 : www.lepoiscaille.be )
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